Massacre au château d’Audrieu
Dans la nuit du 7 au 8 juin 1944, un bataillon des Royal Winnipeg Rifles et un peloton des Green Howards Regiment (6th Battalion, 69th Infantry Brigade, 50th Infantry Division), sont localisés le long de la voie ferrée Bayeux-Caen à Putot-en-Besson, à 3000 mètres du Château d'Audrieu. En face d'eux se trouvaient le 3ème bataillon, 26ème Panzer Grenadiere, 2ème compagnie du 12ème bataillon SS de la 12 SS Panzer-Division, Groupe de Reconnaissance « Hitlerjugend » et une partie du 25ème régiment Panzer Grenadiere. Le matin du 8 juin, les forces de la 12 SS appuyées par des chars lancèrent une contre-attaque, envahissant les positions britanniques, entraînant la capture de 64 soldats.
Sur la totalité des prisonniers de guerre capturés, 24 appartiennent aux Royal Winnipeg Rifles et 2 aux Green Howards (d’autres parlent de 45 Canadiens tués par petits groupes dans les jardins du château ou du petit bois attenant !!!). Ils ont été capturés par les 3ème et 4ème compagnies du 12 SS Reconnaissance Battalion et emmenés au quartier général du 12 SS Panzer Division. Ce quartier général allemand avait été installé le matin du 8 juin 1944 vers 12 heures sous un grand sycomore dans le parc du Château D'Audrieu. Les trois premiers prisonniers arrivent au poste de commandement à 14h00, escortés par trois soldats allemands. Après 10 à 15 minutes, les prisonniers ont été conduits dans les bois par les jardiniers du château, René Lanoue et son fils Raymond qui se trouvaient dans la salle de séchage du château. Quelques minutes plus tard, plusieurs coups de feu régulièrement espacés ont été entendus venant de la direction où les prisonniers avaient été emmenés. Les escortes allemandes sont ensuite retournées au poste de commandement sans les prisonniers. Ces événements avaient également été observés par Monique Level qui se tenait à l'arrière du château. Peu de temps après, un autre groupe de 4 ou 5 prisonniers a été amené au poste de commandement et escorté en file indienne dans les bois. Cette scène est également observée par Monique Level qui était maintenant dans sa chambre au premier étage. De nouveaux coups de feu régulièrement espacés se font entendre venant des bois et les escortes allemandes rentrent une fois de plus seules. Ce deuxième incident a également été observé depuis le grenier par Béatrice Delafon. A 14h30 un dernier groupe de 13 prisonniers est emmené au poste de commandement, ils sont retenus au poste de commandement pendant environ 15 minutes avant d'être conduits à 100 mètres au sud-est du poste de commandemen. Herbert Glueck, un chauffeur régulier de l'Unterführer Schenk, a été un témoin oculaire de l'incident final, à environ 5 à 8 mètres du dernier homme du peloton d'exécution. Il a décrit comment les prisonniers étaient alignés, les mains au-dessus de la tête, face au nord, le peloton d'exécution se tenant devant eux, presque tous armés de pistolets automatiques. Le peloton d'exécution sous la direction d'un officier a ensuite tiré sur les prisonniers. Parmi les victimes canadiennes, on dénombre 2 frères originaires de Birnie, George Meakin (23 ans) et son cadet Frank (20 ans) *. Environ une heure plus tard, Monique Level se trouvait dans la cuisine du château lorsqu'un officier allemand fumant une cigarette britannique entra. L'officier allemand se tourna vers eux et leur dit : "Cigarette anglaise, bonnes cigarettes, Tommies Kif-Kif, avec mon revolver, c'est lui qui les a tués." Il y eut un barrage d'artillerie allié vers 17h30 qui a duré jusqu'à environ 21h00. Après le barrage, Monique parle à Herntz Ublaender, un soldat allemand blessé dans le parc du Château, qui leur dit que les prisonniers canadiens ont été tués pour donner un meilleur moral aux troupes allemandes et les empêcher de se rendre.
Le Veteran Affairs of Canada prétend que plus de 156 soldats canadiens ont été illégalement exécutés en plusieurs groupes durant cette période de la Bataille de Normandie.
Cet épisode de crime de guerre perpétué, une fois de plus par la 12 SS Panzer Division du SS Oberführer (général de division) Fritz Witt qui sera tué à son poste de commandement par un bombardement allié et remplacé par Kurt Meyer qui s’illustrera dans les mêmes conditions à l’Abbaye d’Ardenne (voir notre article).
Ces massacres ont fait la une des journaux canadiens et le premier ministre (William Lyon Mackenzie King) a dénoncé ces atrocités. Malgré cela, en 1945, après enquête de l’armée américaine, seul Kurt Meyer sera emprisonné durant 5 ans après avoir été condamné à mort puis relâché et transféré dans une prison allemande. Il sera définitivement libéré en 1954.
Caporal George Edward Meakin – Mle N° H/40752 – né le 30 avril 1921 à Hamilton, Manitoba – Enrôlement le 17 juin 1940 à Winnipeg, Manitoba – Inhumé au Cimetière de guerre canadien de Beny-sur-Mer, sépulture XIV.F.10.
Caporal suppléant Frank Vernon Meakin – Mle N° H/95615 – né le 7 juillet 1923 à Hamiota, Manitoba – Enrôlement le 25 février 1942 à Winnipeg, Manitaoba – Inhumé au Cimetière de guerre canadien de Beny-sur-Mer, sépulture XVI.B.3.
Fils de John et de Jennie Meakin.
Sources : traduction :
https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/memorials/canadian-virtual-war-memorial/detail/2059758
Liberty-Jeep – Juin 2022
L’ABBAYE NOTRE-DAME D’ARDENNE …….
ABBAYE DE L’HORREUR !
SI l’église connait actuellement une certaine tourmente parmi ses membres, des lieux de culte ont aussi connu l’horreur ; sans parler de l’église d’Oradour-sur-Glane qui reste la référence de la barbarie SS, l’abbaye d’Ardenne eut également sa période d’atrocités.
Lors d’une escapade normande, sa région de prédilection, en compagnie de son fils Killian, notre Président Yannick Dehayes a dirigé ses pas vers ce lieu de mémoire sans connaitre véritablement l’existence de ce dramatique fait divers mais irrésistiblement guidé par son instinct de chercheur et il a alors trouvé ce lieu d’histoire insolite compte-tenu du caractère premier de ce monument consacré tout d’abord à la religion. Qui l’a poussé vers cet endroit ? la providence ! Toujours est-il que sa quête d’histoire de la WW2 fut récompensée.
Si beaucoup d’entre vous, friands d’anecdotes de la bataille de Normandie, connaissent parfaitement cet épisode atroce de cette période post-débarquement, un grand nombre de visiteurs de notre site n’ayant jamais eu l’occasion de pousser ces portes trouveront peut-être là encore le fait que la SS ne se formalisait pas des conventions en vigueur et était apte, sans aucun état d’âme, a bafouer les lois de la guerre.
Un peu d’histoire (sommaire) tout d’abord pour situer les lieux :
Au nord-ouest de Caen, sur une parcelle appelée « le puits aux Saxons » implantée sur la commune de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe est construit une chapelle au XIIe siècle (après l’apparition de la vierge à un couple pieux de bourgeois – suivant la légende) transformée en église romane en 1138, en prieuré en 1144 et abbaye indépendante en 1160. Imposante construction médiévale (église + dépendances agricoles) ceinturée de murs au milieu des champs, elle fut le quartier général du 25ème Régiment de Grenadiers de la 12ème Division blindée SS « HitlerJugend » - Jeunesse Hitlérienne - dirigé par, à l’époque, le SS-Standartenführer Kurt Adolf Wilhelm Meyer.
L’innommable :
La bataille de Normandie est engagée après le débarquement du 6 juin 1944 et les troupes canadiennes arrivant du secteur de Juno Beach s’avancent dans les terres pour établir la tête de pont. Durant la journée du 7 juin, les Allemands, tout d’abord surpris par l’intensité de l’offensive alliée, s’organisent et lance une contre-attaque puissante.
Les faits : - «Le lendemain du débarquement de Normandie, la 9ème brigade d'infanterie mène la marche vers Carpiquet où un aérodrome avait été désigné comme objectif. Les North Nova Scotia Highlanders, appuyés par le 27th Armored Regiment (Sherbrooke Fusiliers) s'emparent du village de Buron mais quelques kilomètres plus au sud se heurtent à une contre-offensive allemande. Les Canadiens faisaient face à la 12ème SS Panzer Division (Hitlerjugend ), une unité de jeunes soldats – principalement des jeunes de 18 ans – mais fanatiques. Les North Nova Scotia Highlanders ont livré un combat acharné, mais ont finalement été contraints de reculer. Près d'Authie, un village voisin, une fumée noire s'élevait en colonne des débris brûlants des chars des Sherbrooke Fusiliers, décimés par les Panthers allemands ».
https://www-junobeach-org.translate.goog/canada-in-wwii/articles/the-normandy-campaign.
Le journal de guerre du North Nova Scotia Highlanders stipule (7 juin 1944) : « L’ennemi a alors engagé notre feu depuis Buron avec des mortiers de 75,88 et tout ce dont ils disposaient. Sous ce feu, l’infanterie ennemie avançait et pénétrait dans les avant-postes de la compagnie D. Il était impossible de les arrêter… »
Ce 7 juin fut une bien mauvaise journée pour les North Nova Scotia Highlanders, un officier et dix autres soldats ont été tués au combat ; trois officiers et vingt-sept hommes blessés et neuf officiers et 195 hommes portés disparus. Plus tard, cela a été corrigé à quatre-vingt-quatre morts, trente blessés et 128 faits prisonniers.
Les grenadiers de la 12ème Division SS ramenèrent plusieurs prisonniers vers l’abbaye. Un tri fut effectué et dix d’entre eux, sélectionnés au hasard, conduits au château adjacent, le reste étant dirigés à Bretteville-sur-Odon. Un gradé, le Lieutenant Thomas Windsor, fut extrait de ce convoi pour rejoindre les dix premiers. Le soir même, ce groupe fut amené dans le jardin du château où ils furent assassinés sauvagement. Six dépouilles furent retrouvées quelques mois plus tard, le crâne défoncé surement à coups de crosse puis quatre autres tués d’une balle dans la tête, retrouvés par la suite.
Liste des victimes :
North Nova Scotia Highlanders, R.C.I.C.
Sherbrooke Fusiliers Regiment R.C.A.C (27ème Régiment blindé canadien)
La bestialité imbécile ne s’arrête pas là car le lendemain, 8 juin, en toute fin de matinée, sept nouveaux prisonniers de guerre, normalement protégés par la Convention de Genève comme les malheureux précédents, sont amenés à l’abbaye. Tous appartiennent au North Nova Scotia Highlanders, R.C.I.C.
Interrogés sans ménagement et conduits les uns après les autres jusqu’au funeste jardin où ils reçurent, après avoir été sommé de s’agenouiller, une balle dans la nuque. Tout comme les premiers sacrifiés, les corps suppliciés ne furent découverts qu’à la fin de l’hiver 1944 et au début du printemps 1945 et reçurent alors les honneurs et une sépulture décente.
Deux hommes appartenant au Stormont, Dundas and Glengarry Highlanders ont été porté disparus le 17 juin alors qu’ils effectuaient une patrouille près de Buron sur le champ d’action de la 12ème Div SS. Il s’agissait du lieutenant Fred Williams et du corporal suppléant George Pollard. On sait que deux prisonniers canadiens, blessés, ont été dirigés par les Allemands vers le poste de soins de l’abbaye à cette date. Par la suite, divers témoignages font part de coups de feu entendus du côté de l’abbaye à deux moments de la journée. Le 8 juillet 1944, lors de la libération de l’abbaye par le Regina Rifles vers minuit, fut découvert le corps du lieutenant Williams tandis que celui du corporal suppléant ne fut jamais retrouvé. Si le lieutenant repose désormais au cimetière de guerre canadien de Beny-sur-Mer, le nom de M. Pollard figure sur les Tablettes des Disparus sur le Mémorial de Bayeux.
Stormont, Dundas and Glengarry Highlanders, R.C.I.C
Kurt Meyer fut fait prisonnier le 6 septembre 1944 par la Résistance belge et lors de son procès devant la cour martiale canadienne le 10 décembre 1945, il nia avoir connaissance de ces faits ainsi que sa participation quelconque n’ayant eu connaissance des exécutions perpétrées, selon lui, pars ses subordonnés sans qu’il ne les ait ordonnées. Déclaré coupable de crimes de guerre, il fut condamné, à juste titre, à la peine de mort.
Celle-ci fut commuée, au titre d’un « faisceau de soupçons » sans preuves tangibles, en réclusion criminelle à perpétuité. Il effectuera huit années de détention dans un pénitencier du Nouveau-Brunswick et pour sa soi-disant bonne conduite, il fut libéré le 7 septembre 1954 (incompréhensible) et put ainsi retourner tranquillement chez lui où il ouvrit un commerce de bière. Il fut alors très actif dans la HIAG, une association d’entraide aux anciens Waffen-SS pour obtenir de l’état allemand des pensions de retraite Il aura l’outrecuidance de revenir en visite privée sur ces lieux en 1957, fidèle à l’adage, l’assassin (présumé !!!) revient toujours sur les lieux du crime. Il décéda d’une crise cardiaque sept ans plus tard, le 23 décembre 1961 à Hagen à l’âge de 51 ans (que le Diable ait son âme pour l’éternité cette fois).
Mémorial, Souvenirs et recueillement :
Familles, associations de vétérans, délégations militaires, visiteurs divers se retrouvent dans ce jardin (de la honte pour les criminels de guerre) du recueillement pour celles et ceux qui reviennent pour y déposer qui un ruban, qui un bouquet ou une simple prière. Plusieurs de ces témoignages sont accrochés ou simplement déposés au sol. Qu’ils soient petit objet ou simple coquelicot, grosse couronne de fleurs ou rubans et cocardes commémoratives, drapeaux ou documents, tous font preuve d’une reconnaissance du sacrifice, de la souffrance, de la jeunesse ignoblement enlevée sans aucune humanité.
Sur le monument mémorial érigé sur le lieu des exécutions en ce jardin des Canadiens, figure cette inscription :
- « La nuit du 7 au 8 juin 1944, 18 soldats canadiens ont été assassinés dans ce jardin alors qu’ils étaient prisonniers de guerre. Deux autres prisonniers sont morts ici, ou à proximité immédiate, le 17 juin. Ils sont morts mais pas oubliés ».
Dans le jardin du souvenir figure un panneau comportant 2 photos ; celle du Carabinier « RFN » Henry Rodgers et celle de sa tombe provisoire. Était-il une autre victime des SS au sein de l’Abbaye ? Rien ne le prouve en l’état … mais alors à quel titre ce panneau figure-t-il dans cet endroit ?
Royal Winnipeg Rifles
L’abbaye détruite durant le conflit a fait l’objet d’une exceptionnelle reconstruction et se visite librement ou avec l’aide d’un guide.
Renseignements pratiques :
https://www.normandie-tourisme.fr/activite/visite-guidee-de-labbaye-dardenne/
Texte : Alain Octavie
D’après les sources suivantes : Veterans Affairs Canada – wikipedia.org – Abbayes de Normandie – Calvados-tourisme.
Reportage photographique : Killian et Yannick Dehayes
Mise en page : Yannick Dehayes.