Un Bristol Beaufighter sur les Champs –Elysées
Une mission audacieuse et inhabituelle s'est produite le 12 Juin 1942, quand un Beaufighter du Coastal Command a été piloté jusqu’à Paris par le Lt A. Katward. Ce pilote
a amené son avion vers les Champs-Elysées en vol de rase-mottes en plein jour. Une fois sur son objectif, il a laissé tomber un drapeau tricolore de défi, puis, pour ajouter l'insulte à
l'injure, il a mitraillé le siège de la Gestapo à coups de canon.
Operation ‘Squabble’
Opération ‘Dispute’
Il s'agissait d'une opération spéciale dans la région parisienne réalisée en Juin 1942 qui avait pour but de créer un effet réconfortant parmi les Parisiens et
d'exposer les occupants allemands au ridicule.
Cette idée un peu folle était née d'après les informations obtenues auprès d'une source fiable dès le début du printemps de 1942 par les services de renseignements britanniques et notamment par le
major Ben Cowburn du Special Operations Executive (SOE). Ils avaient appris que, tous les jours, entre 12 heures et 12 h 45, un détachement de la Wehrmacht ou des SS venait parader sur les
Champs-Élysées et il a été préconisé par le ministère de l'Air qu’un avion mitrailleur, volant à basse altitude, lançant une attaque au canon contre ce défilé aurait des résultats importants
dans la défense du moral du peuple français. La Royal Air Force, par l’Air Chief Marshal Philip Joubert de la Ferté, le commandant en chef du Coastel Command décide alors de venir ridiculiser les
Allemands en portant un coup spectaculaire à leur arrogance de vainqueur. L'objectif de l'opération "Squabble" était de profiter de leur défilé quotidien pour venir les mitrailler pendant qu'ils se
pavanaient sur la plus belle avenue du monde.
Comme la cible était hors de portée des Spitfires, les Beaufighter du Fighter Command auraient dû être munis d'un équipement spécial ;
il a donc été décidé par le ministère de l'Air le 30 Avril 1942 que l'opération serait réalisée par un seul Beaufighter du Coastal Command, le ND-C, serieT4800.
En conséquence, le groupe C de l’A.O.C a prit des dispositions pour que cette attaque lui soit affectée. Le nom attribué à ce vol spécial fut « l’Opération Dispute" et le 236
Squadron a été choisi pour accomplir la tâche.
Le Flying Lt Gatward a été appelé pour savoir s’il se porterait volontaire pour cette «dangereuse» mission. Il l’accepta et entrepris de nombreuses simulations d’attaques de jour à basse altitude avec son navigateur attitré. Le 5 mai 1942, ils ont commencé à pratiquer des raids audacieux en attaquant des convois sur la Manche. Ils ont étudié à fond les cartes de Paris et les meilleurs itinéraires pour aborder la ville et en sortir rapidement. Avant le raid, ils se sont procuré un grand drapeau tricolore auprès du Porsmouth Harbour et l’ont coupé dans le sens de la longueur pour obtenir deux morceaux identiques. Chaque section a été lesté avec des tringles en fer et les ont testés en les laissant tomber d’un toit de hangar pour observer comment ils se déployaient puis ils les ont installés sur leur avion.
Le caractère dangereux de cette opération demandait des conditions spécifiques. Pour que l'opération réussisse, il fallait une couverture nuageuse importante sur la
Manche et les côtes françaises qui puisse permettre à l'avion de ne pas être repéré et au contraire un temps dégagé et une bonne visibilité l'autorisant à voler à très basse altitude. Après quatre
essais infructueux, les conditions semblent être plus satisfaisantes le 12 juin 1942. Après avoir décollé de sa base de Thorney Island, le Flying Lieutenant Ken Gatward, en tant que pilote, en
compagnie du sergent Gilbert, George Fern, son navigateur/mitrailleur, et l’avion a établit son cap vers la cible à 11h31 et a franchi les côtes françaises à Fécamp à 11h58 sous une pluie battante, à
2000 pieds. Son carnet de vol indique que le temps a commencé à s'améliorer au-dessus de Rouen et qu'il faisait un grand soleil. Grâce à la visibilité de dix à vingt miles sans nuage, l'avion est
passé au-dessus de la banlieue de Paris, à très basse altitude et la Flack légère a été rencontrée pour la première fois. Puis il a plongé après les collines de Saint-Cloud vers la tour Eiffel
"qui se dressait, à côté de la Seine, comme une curieuse allumette".
"Je n'oublierai jamais..."
Il n'y avait aucun signe de la parade sur l’avenue, il était quelques minutes trop tôt pour le défilé allemand, dont les troupes commençaient seulement à se regrouper dans une rue adjacente. En volant à la hauteur des derniers étages des immeubles, il a remonté les Champs-Élysées à 12 h 27 précisément...
mais pour compenser ce rendez-vous manqué, un drapeau tricolore a été largué sur l'Arc de Triomphe, après quoi l'avion a volé vers le bas des Champs Elysées, au niveau du haut des immeubles, mais il n'y avait toujours aucun signe de troupes. Conformément aux instructions données lors du briefing, et pour ne pas rentrer en Angleterre sans avoir tiré un coup de feu, le Beaufighter a viré sur l'aile pour attaquer l à coups de canon de 20mm le second objectif qui lui avait été assigné : le QG de la Gestapo de la rue Lauriston dont les sentinelles s’éparpillèrent rapidement. Après quoi il a délicatement largué deux immenses flammes tricolores, l'une sur l'Arc de Triomphe, l'autre sur le ministère de la Marine à la Concorde. "Je n'oublierai jamais, a écrit Gatward, l'étonnement des Parisiens en manches de chemise voyant cet avion anglais raser les toits des Champs-Élysées" alors que l’Intelligence Service confirmait que la parade s’était mise en place au moment de l’attaque mais se dispersa dans un beau désordre et la confusion la plus totale.
Le pilote a signalé qu'il y avait beaucoup de badauds des deux sexes, la plupart d'entre eux en manches de chemise, dont beaucoup agitaient les bras. Avant d'ouvrir le
feu sur le bâtiment du ministère de la Marine, le pilote s'est cependant assuré qu'il n'y avait pas de piétons dans la ligne de feu. Son point de mire était à mi-hauteur du bâtiment.
À 12h30, l'avion a remis le cap sur sa base et a maintenu sa trajectoire jusqu'à la côte de façon identique au vol de l’aller. La côte française a été franchie une deuxième fois, mais en sens
inverse, à 12h55 et l'avion a finalement atterri à Northolt à 13h53.
Le tout avait été parcouru à une hauteur de 20 à 30 pieds, et même si l'avion a survolé l'aérodrome de Rouen à cette altitude sans rencontrer d’opposition notoire, les tirs de canons de la DCA légère
rencontrés au cours de l’approche de la cible étaient très clairsemés.
Cette mission a reçu sa part de publicité et quelques-unes des photos prises en cours de route ont été montrées au public en totalité. En outre, le pilote de
l'aéronef, F / Lt. Un Gatward K. a reçu la DFC et le navigateur Sgt. G F. Fern s’est vu accordé la DFM et une belle prime.
Après la libération, pour le remercier de ce coup d'audace, la France reconnaissante a offert au Wing Commander Gatward... un magnum de champagne. Dont la caisse en bois ornée d'un ruban tricolore
avait été soigneusement gardée par l'ancien aviateur.
Résumé de carrière :
Au début de la guerre,en 1939, Ken Gatward était sergent-pilote et a été affecté le 27 Juillet 1940. Il a d’abord volé sur Bristol Blenheim avec le n° 53 Squadron sur les raids de bas niveau. Il a été converti au Bristol Beaufighter en 1941 et a volé au sein du n° 236 Squadron .
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C'est une vente aux enchères un peu particulière qui a eu lieu vendredi 30 novembre à Colchester, dans l'Essex. Sous le marteau du commissaire-priseur James Grinter ont été dispersés des objets personnels ayant appartenu à un héros quasi méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Parmi ces souvenirs, outre un carnet de vol et des gravures relatant un fait de guerre exceptionnel, une demi-douzaine de décorations britanniques, dont la Distinguished Flying Cross et la Distinguished Service Cross (DSC). Mais aucune décoration française.
Pourtant, celui dont on vendait ce jour-là les trophées à l'encan méritait sans aucun doute que la France le remercie. Car c'est pour remonter le moral de nos compatriotes subissant l'occupation et montrer, à un moment critique de la guerre, que l'ennemi était vulnérable que le Wing Commander Ken Gatward a accompli à la barbe des Allemands un exploit d'une audace incroyable : le 12 juin 1942, aux commandes de son bombardier Beaufighter, en prenant de vitesse la DCA et les escadrilles de Focke Wulf basées autour de Paris, il a survolé à basse altitude les Champs-Élysées et a largué sur l'Arc de Triomphe un immense drapeau français.
LE BRISTOL BEAUFIGHTER
Le Bristol-Beaufighter faisait partie de la RAF dès Septembre 1940. Compte tenu de sa bonne vitesse, longue portée, et une grande puissance de feu, les Britanniques l’adoptèrent immédiatement, même si l'avion était un peu difficile à gérer en volà basse vitesse. Il a été utilisé comme chasseur de nuit et, équipé d'une torpille, comme un chasseur de sous-marin. Finalement, cet avion militaire a combattu sur tous les fronts aériens ; basés en Australie, par exemple, ils ont été utilisés pour attaquer des navires japonais.
Le Bristol Beaufighter a été le premier à être équipé d’un radar à vision nocturne. L'une des ses missions les plus célèbres a été accomplie durant la journée au dessus
de Paris occupé par las Allemands. L'avion a survolé l'avenue des Champs-Élysées à bas niveau, a laissé tomber un drapeau français, puis lâché ses roquettes sur le ministère de la Marine, bâtiment
principal de la Gestapo.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bristol_Beaufighter
Alain OCTAVIE
Mise en page : Yannick DEHAYES