ANGOVILLE AU PLAIN – Heroic Medics
Nombre d’entres vous connaissent la fabuleuse histoire des deux médecins parachutistes Robert WRIGHT et Kenneth MOORE, infirmiers au 2nd battalion du 501st PIR « Screaming Eagles » de la 101st Airnorne Division, mais avez-vous connaissance de tous les détails qui s’y rapportent.
Kenneth Jack MOORE est né le 5 novembre 1924 à Los Angeles en Californie (mère célibataire), il s’enrôle en 1941 après l’attaque de Pearl Harbor. Il s’est porté volontaire pour les parachutistes à 17 ans, en mentant sur son âge, et a été affecté à un poste médical comme brancardier et pour cela il n’a reçu que deux semaines de formation aux premiers soins. Marié à sa petite amie de lycée, Geneviève avec qui il a eu 3 enfants. Son épouse, son fils Christopher et sa fille Stéphanie sont décédés durant les années 2000 à 2005. Seul survit à ce jour Francis.
Robert WRIGHT est né le 9 février 1924 dans l’Ohio, fils de Bertha & Pearl Wright. Brevet d’études secondaires en 1942 et rejoint la 101st en octobre où il est affecté en tant qu’infirmier. Il épousa Margaret Writsel le 30.09.1945 et ils eurent 2 enfants : Sherry et Robert Jr.
Situons-nous tout d’abord : Angoville-au-Plain est un petit village normand du département de la Manche (50) faiblement peuplé d’une centaine d’habitants environ près de Sainte-Mère-Eglise au Nord, Carentan au Sud-Ouest et Utah-Beach à l’Est. Depuis 2016, elle devient commune nouvelle lorsqu’elle fusionne avec Carentan, Saint—Côme-du-Mont et Houesville pour former Carentan-les-Marais. Son ancien maire, Daniel HAMCHIN, excellent ami de notre président Yannick D, nous a sympathiquement aidé dans nos recherches. Il a notamment déclaré : « Le rôle des 2 infirmiers soulignait la dichotomie pour les soldats. Ils s’entretuaient dans le cimetière et ils se guérissaient dans l’église ».
Cette chose étant faite, replongeons-nous au matin du 06 juin 1944 où, avant l’aube, deux divisions aéroportées américaines qui avaient décollé à bord d’avions de transports C-47 de l’aérodrome de Merryfield, Somerset en Angleterre, les 82ème et 101ème Airborne sont larguées à la base du Cotentin avec la mission de couper la route Paris-Caen-Cherbourg et préparer le terrain pour le débarquement des troupes de l’opération amphibie « Overlord ». C’est donc durant ces premières heures du D-Day que 15.000 parachutistes sont largués ou déposés en planeur sur ce territoire de la Normandie. Malheureusement ils se retrouvent très dispersés en dépit des plans qui avaient été établis au départ. Il faut isoler le secteur de Cherbourg où se trouve un port en eaux profondes essentiel pour assurer la future logistique des alliés. Le terrain est difficile car il comporte de nombreuses haies et la plupart des prés ont été inondés par l’ennemi.
Sur le secteur Sud-Est d’Angoville-au-Plain c’est la 101ème (2/501) qui a atterri sur la Dropzone « DZ D » et contrairement aux autres unités, qui partout ont eu du mal à se regroupe, ils se rassemblent rapidement sur ce grand terrain marécageux avec mission de se diriger sur leur objectif, Saint-Côme- du-Mont mais déjà les combats s’engagent âprement dès que les premières patrouilles rencontrent de forts groupes d’Allemands vers la Haute Addeville et les Droueries . Dès le sol touché pour certains, les balles sifflent alors au-dessus de leurs têtes et face à de sérieuses contre-attaques l’unité des deux « medics » sont contraints de se replier vers Vierville. Déjà il y a de nombreux blessés surtout parmi les officiers et deux « medics » se mettent à la recherche, avec l’aide du lieutenant Ed Allworth, d’un endroit abrité pour les accueillir afin d’apporter les premiers soins. Leur choix se porte sur l’église Saint-Côme-et-Saint-Damien de la petite commune, en plein cœur de la bourgade.
WRIGHT et MOORE se trouvent alors au centre d’intenses affrontements, sans arme et uniquement munis de fournitures médicales, et les victimes affluent déjà et ils doivent soigner des dizaines de soldats, américains et allemands confondus, respectant par cela leur serment d’Hippocrate et les conventions de Genève. De plus, la guerre ne faisant pas la part des choses, ils accueillent aussi des civils et notamment deux jeunes filles blessées par des éclats d’obus de mortier ; Lucienne et Jean-Vienne. Ils ne relâchent pas leurs efforts alors que pendant ces trois jours ils devront faire face à d’énormes problèmes car ne voulant pas relâcher leur travail, ils se passent de véritable repos ne s’octroyant que quelques moments de sommeil à tour de rôle. Ils ne peuvent non plus s’approvisionner et se débrouillent, tant faire se peut, avec ce qu’ils ont sous la main.
Les médecins essayent d’assurer leur position en peignant une croix rouge sur un drap blanc qu’ils hissent près de l’église, le plus en vue possible près du clocher. Plusieurs fois, après avoir stabilisé les blessés, laissant WRIGHT assurer les tâches médicales, MOORE partait dans la campagne, brassard de la croix rouge au bras, à la recherche d’autres victimes ne cherchant toujours pas à faire de distinction en assurant les transports dans une brouette. L’intégrité du médecin est respectée et il n’essuie aucun tir de la part des combattants. Il assure donc ses allers-retours et pourra dire : "Les Allemands ont été assez bons pour ne pas tirer sur les médecins", a-t-il déclaré. "Il y a eu plusieurs fois où ils auraient pu me tirer dessus, et ils ne l'ont pas fait."
Malgré que le village soit pris tour à tour par les belligérants et que les explosions alentours font trembler l’édifice, ils refusent de se retirer et continuent à dispenser les soins toujours fidèles à leur engagement et sans états-d ’âmes. Les blessés ne cessent d’affluer et soudain, un obus de mortier frappe le toit de l’église et tombe à l’intérieur sans exploser (Moore reçu alors un morceau du plafond sur la tête lui entament le cuir chevelu – « c’est là que j’ai obtenu ma Purple Heart et j’étais gêné de la prendre » - et ceux qui tombent au plus près détruisent les vitraux (1) ; les artilleurs américains croyaient alors que l’ennemi était retranché dans le lieu de culte. Ils n’avaient pas tout à fait tort car deux Allemands descendus du clocher où ils étaient en position de snippers, se constituent prisonniers auprès des deux médecins stupéfaits. Ils avaient donc deux voisins depuis le début au-dessus d’eux. Les paras Allemands du Bataillon I du Fallschirmjäger R6 ayant fait irruption dans l’église avec force, ils baissent leurs armes à la vue des hommes de leur camp traités avec les mêmes attentions par les deux soignants. L’officier qui les accompagne est aussi affecté par l’abnégation des soignants et la compassion offerte et demande alors si d’autres de ses hommes sérieusement touchés peuvent être amenés pour recevoir des soins. Wright & Moore n’hésitent pas une seconde et accepte sans se poser de questions malgré que l’église soit déjà largement pleine. Les deux hommes lui indiquent que la règle de base est : on traite les gens, pas les uniformes et toutes les armes doivent être laissées à l’extérieur. L’officier fait alors appel à son propre médecin d’unité pour les assister. Les miracles existent !!!
"Lorsque vous coupez un uniforme pour atteindre une blessure, peu importe quel insigne de bras, de quel régiment, se trouve sur cet uniforme. Vous coupez pour sauver une vie" déclarera Kennett J. Moore au Journal « The Independent » - (Phil Davison, le mardi 03 mars 2015). Il annoncera aussi dans un documentaire « Eagles of Mercy » (Les aigles de la miséricorde – PBS de 2012), « c’étaient des jeunes hommes qui nous ressemblaient beaucoup sauf qu’ils portaient un uniforme différent » ou encore « Je ne me souviens pas d’une véritable animosité exprimée ».
Les deux compères ont réussi à soigner 80 soldats dont 12 allemands et une adolescente mais n’ont malheureusement rien pu faire pour sauver 2 soldats et la petite Lucienne.
Après plus de 70 ans, les villageois n'ont pas nettoyé les taches de sang qui subsistent à ce jour sur les bancs de l'église utilisés alors comme lits pour l’occasion. Elles ont séché dans le bois de chêne, mais elles sont toujours bien visibles et pour les fidèles, elles rappellent ce que deux parachutistes américains ont fait en 1944. Ils recevront la Silver Star for Gallantry pour leurs actions durant ces 3 jours inouïs sur la Place de la République à Carentan.
Les médailles sont décernées aux quelques chanceux qui sont observés en train de faire quelque chose d'inhabituel. La plupart de ceux qui ont servi pendant la guerre les méritent mais ne les obtiennent pas », avait déclaré Moore à l'Index-Tribune dans une interview en 2002.
Robert WRIGHT continua la guerre en étant parachuté le 17.09.1944 à Veghel (Pays-Bas) et comme s’il était habitué aux édifices du culte, il établi un poste de secours dans un couvent où il donna des soins à ses compagnons d’armes ainsi qu’à cinq religieuses grièvement blessées. Le 21.12.1944, il s’installe à Bizory durant la « Battle of the Bulge » à Bastogne, dans une ferme, où, là encore, il donne des soins à de nombreux blessés. Il continuera à dispenser des soins médicaux jusqu’à la date du 8 mai 1945.
Kenneth Jack MOORE est décédé le 7 décembre 2014, à l’âge de 90 ans, à l’hôpital de Sonoma Valley (Californie) d’une insuffisance cardiaque congestive d’après les déclarations de son fils. Il a vécu les 40 dernières années de sa vie à Sonoma et avait fort apprécié les honneurs dont il avait été l’objet, d’après son fils Franck, bien qu’il déclare : « Notre formation et notre travail consistaient essentiellement à arrêter le saignement et à administrer de la morphine contre la douleur et à panser les victimes du mieux que nous pouvions ». Pour eux, il était impensable d’abandonner les blessés à leur sort lorsqu’un officier américain leur indiqua qu’il ne pouvait pas tenir la ville et qu’au moins un des deux médecins se replie avec eux et ils ont répondu : « Bob et moi ferions mieux de rester tous les deux », après un échange de regards
A son retour en Californie, après le conflit, et travailla pour la compagnie pétrolière Chevron avant d’acquérir plusieurs stations-service à San-Francisco jusqu’en 1986, date à laquelle, il prit sa retraite.
Il était revenu en Normandie en 1994 pour les commémorations du 50eme anniversaire du D-Day.
Le sergeant Robert « Bob » E. WRIGHT est décédé le 21.12.2013 en soins palliatifs à l’âge de 89 ans en Floride. Il était retourné aux U.S.A le 7 septembre 1945 et après avoir pris sa retraite, il donnait de son temps en tant que membre actif dans l’Eglise méthodiste et consacra le reste de son existence à fournir des abris pour des organismes de bienfaisance et des pauvres. Il a souhaité être inhumé derrière l’église d’Angoville, où parmi les tombes anciennes, une plus récente et relativement simple porte ses initiales REW. Un dernier hommage lui avait été rendu en l’église d’Angoville-au-plain le 27 décembre 2013 durant lequel le maire de l’époque, Daniel Hamchin, déclarait, bouleversé, avoir perdu un ami.
Revenu plusieurs fois en Normandie, il n’hésitait pas à rendre visite à sa « Chère église » et à ses amis du village.
Une stèle a été érigée signifiant la « Place Toccoa » en bordure de la place et du cimetière du village devant l’église et sur la place même trône un monument (2002) commémorant les actions des 2 hommes. Il est commémoré très régulièrement. (Photos A. Octavie)
De nombreux visiteurs célèbres sont venus honorer ce lieu mythique de la WW2 et rencontrer notre ami Daniel Hamchin (ancien maire) tels David Eisenhower (petit-fils de Dwight – 34ème président) accompagné de son épouse Julie Nixon (fille cadette de l’ancien président – 37ème – Richard Nixon), ainsi que de nombreux vétérans.
Beaucoup savent-ils qu’ils peuvent aussi visiter le cimetière où l’histoire continue …
Texte : Alain OCTAVIE.
Photos : Alain OCTAVIE, Yannick DEHAYES, Internet.
Mise en page : Yannick DEHAYES.
Sources : findagrave.com - wonderwisdom.com - Mairie d’Angoville au plain – Daniel Hamchin – Yannick Dehayes – American War Memorial – Ouest France – La Manche Libre – Aces High (Aviation Gallery) by Simon Smith -
Cet article est susceptible d’évoluer en fonction des renseignements qui sont en cours de collecte.
AIREL marquée par les années de guerre.
AIREL, issu du gallo-romain « Areale » (latin : arealis) d’où area « surface » ou aire, voulant dire emplacement vide en ou près d’une agglomération (place du marché, emplacement à bâtir, aire de battage, terrain non cultivé, etc…). Attesté en 1066 sous le nom d’Arel.
Pour l’avoir visité et fréquentant encore à l’heure actuelle des habitants de ce secteur, nous avons été attirés par cette petite commune rurale de Normandie à faible densité de population située sur le territoire pittoresque du parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin, entre Isigny (9,78 km) * au nord et Saint-Lô (11km49) * au sud, presque essentiellement composé d’un paysage de prés humides. Elle fait partie de l’arrondissement de Saint-Lô, ville martyre de la WW2 appelée alors « La Capitale des ruines » à la suite des nombreux et impitoyables bombardements de la part de l’aviation alliée qui la raseront pratiquement de la carte. Cette jolie bourgade rurale comporte quelques sujets d’architecture typiquement normands tel le « Manoir du Mesnil-Vitey » (ancien fief de Lucas Acher – privé – XVe dont les armoiries figurent toujours au-dessus de la porte d’entrée) qui ne laisse pas indifférent avec ses douves et son mur crénelé. L’eau est également très présente autour de ce bourg avec la Vire à l’ouest qu’enjambe le Pont de pierre où Pont Saint-Louis qui commandait l’accès du Bessin, l’Elle à l’est avec son Vieux Pont de la Hoderie, situé à la limite du Calvados et de la Manche et la Tortogne au sud. Pays de pure tradition laitière, il est bien connu des amateurs de beurre, crème fraiche et autres gourmandises alimentant les arts culinaires normands de ce riche terroir paysan apportant toute sa part à la gastronomie française.
De nos jours, nous peinons à croire au vu de la quiétude qui y règne désormais que son histoire fut fortement chamboulée après le Débarquement du 6 juin 1944 alors que s’engageait la « Bataille de Normandie » mais nous aurons à y revenir un peu plus loin.
Depuis la débâcle de 1940, les troupes allemandes ont envahi le nord de la France et la Normandie n’échappe pas à la règle. Les « Bosch », comme on les appelle en langage populaire, sont bientôt partout et réquisitionnent le parc immobilier qui les intéressent, le bétail et les aliments qui leurs sont nécessaire mettant parfois la population de condition modeste dans une certaine précarité.
Il avait suivi des études de pharmacie à Lille avant de les poursuivre à Paris puis de procéder à l’ouverture d’une officine, de retour en Normandie, à Cherbourg. Il milite à la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne) et donne de son temps dans des actions de bénévolat, notamment dans une cantine pour chômeurs et diverses actions en faveur des familles et des enfants en difficulté. Il a été député du Mouvement Républicain Populaire de 1945 à 1950 et avait été un farouche résistant durant la Seconde Guerre mondiale en s’investissant envers les réfugiés en provenance du nord du Pays et des prisonniers de guerre de Cherbourg. Il devient membre du réseau « Hector » qu’il avait rejoint en octobre 1940 en tant qu’agent de renseignement du « Mouvement de Libération Nationale » qui fut démantelé en novembre 1941. « - Dès juillet, le groupe étend son action hors de la région granvillaise. Robert GUEDON prend contact avec son beau-frère SAUSSEY, agriculteur et maire de Tollevast, qui lui fournit une fausse carte d'identité établie par l'institutrice Mme LACROIX, secrétaire de mairie. Sur le conseil de SAUSSEY, Robert GUÉDON sollicite, à Cherbourg, le pharmacien Paul GUILBERT. Malgré la charge de neuf enfants et l'aide constante qu'il apporte sous couvert de la Croix Rouge aux prisonniers de guerre internés à la caserne Proteau, il accepte de lui communiquer tous renseignements sur l'activité de l'ennemi, par l'intermédiaire de Mlle Marie LEVEQUE, gouvernante chez SAUSSEY, qui se rend chaque jeudi à Cherbourg, au marché » - « En février 1941, un nouveau lien se crée entre Paul GUILBERT, militant d'action catholique, et l'abbé VALLEE dont il a reçu " Véritas ", feuille clandestine qu'il rédige à Paris, destinée aux membres du clergé. Par l'entremise de Louis SAVARY, contrôleur à la S.N.C.F., membre du Syndicat chrétien, domicilié à Houilles, avec qui il est en relations depuis longtemps, GUILBERT entre en contact d'autant plus facilement avec l'abbé que celui-ci était membre d'un groupe de propagande fondé à Paris, autour de Jeanne SIVADON, à l'école des surintendants d'usine, en relations avec Robert GUEDON et Henri FRENAY. Très régulièrement, tous les quinze jours. SAVARY apporte à l'abbé VALLEE les messages et les renseignements recueillis par GUILBERT sur les effectifs allemands du Nord-Cotentin, et au retour lui communique les instructions du réseau parisien » - « En juin 1941, le réseau franco-polonais " F2 Marine ", que dirige de Paris Albert FOURY (Edwin), va prendre contact avec Paul GUILBERT par l'intermédiaire de Jeannine PICABIA (Gloria). Il l'avait connue, en septembre 1940, comme membre de la Croix Rouge, chargée de faire passer clandestinement pour la zone non occupée la correspondance des prisonniers de guerre enfermés à la caserne Proteau à Cherbourg. Elle est hébergée par René CARRÉ, voisin de GUILBERT, à qui il fournit des sacs de poudre provenant d'obus anglais stockés à la pyrotechnie de Nardouet où il travaille. Elle revient peu après accompagnée de Jacques LEGRANI) (S.H.M.) et de Pierre BERGER qui demandent des renseignements sur l'Arsenal. Ils seront fournis : grâce à Louis CHAILLOUX qui est chargé de surveiller le trafic des navires dans cet établissement militaire et de signaler les travaux de fortifications dans le secteur ouest, et grâce aussi à l'ouvrier électricien Jean NORDEZ. Jacques LEGRAND sera à Cherbourg le 24 juillet, accompagné de GUIIBERT : il pourra se rendre compte, des hauteurs d'Octeville, des résultats du fort bombardement subi par la ville et l'arsenal au début de l'après-midi de ce jour » - « Vers le 20 novembre 1941, Paul GUILBERT reçoit un renseignement très précieux de Gustave ROUXEL sur l'important poste de radar en construction à Sortosville-en-Beaumont. Il a pu pénétrer en costume d'ouvrier dans l'ouvrage, établir les relevés nécessaires, évaluer l'épaisseur du béton et indiquer l'emplacement de la défense aérienne. GUILBERT s'empresse de faire parvenir cet intéressant courrier au réseau de Caen par le cheminot Louis SAVARY » - « Le 29 novembre 1941, à Cherbourg, Paul GUILBERT, accusé d'espionnage et de détention de tracts antiallemands, est également arrêté. Il sera relâché, mis en liberté provisoire, le 24 décembre 1941, comme père d'une nombreuse famille ; puis de nouveau arrêté en 1942 et déporté ». * (1)
Fortement soupçonné par la police allemande, ces engagements lui vaudront d’être emprisonné et condamné à 5 ans de prison. Il rejoindra alors l’établissement pénitentiaire de Fresnes avant d’être déporté en Allemagne jusqu’en mai 1945 et de prendre une part dans l’association des déportés où il deviendra le président d’honneur.
Il sera distingué de la Croix de guerre, de la Médaille de la Résistance, de la Médaille de la France Libre et de la Légion d’Honneur. Il terminera son œuvre caritative en devenant un des pionniers de l’association des compagnons d’Emmaüs.
Deux autres personnalités sont liées à cette commune cités ici à titre de l’historique mais non liés au sujet principal qui nous intéresse : Jean Regnault de Segrais (1624-1701), membre de l'Académie française, seigneur du Mesnil-Vitey et Jean Michel Guérin du Boscq de Beaumont (Airel, 1896-1955), ministre de Pierre Mendès France.
Un fait marquant va se produire le 2 juin 1943 alors que les paysans normands vaquent à leurs occupations, un bruit de moteur d’avion leur fait lever la tête. Le soleil est haut dans le ciel, c’est l’été et il fait chaud. On entend ici où là « c’est un américain ! » … c’est bien un appareil de conception américaine mais le pilote est un Canadian Flying officer (Lieutenant d’aviation) Thomas Melville PETHICK – Serial N° 3/10279 – RCAF – 21 ans – 430th Squadron, 39th Canadian Reconnaissance Wing, Nr 83 Group appartenant au 2nd Racrical Air Force – ayant obtenu son brevet de pilote en février 1942. Il décolle ce jour-là de l’aérodrome de Hartford Bridge à 15h16 pour une mission libre d’attaque de cible au sol d’opportunité (code Rhubarb = Rhubarbe) sur chasseur P51 Mustang type I AM200 – G9 ?). Il est le fils de Llewellyn. Maurice (Lew) Pethick (1887-1954) et Dora. Gertrude Roberts, son épouse (1890- ?) de Montréal, Province de Québec, Canada. Il est né le 17 décembre 1922 à Hamilton, Ontario, Canada.
Son appareil effectue des circonvolutions au-dessus du village et de la campagne environnante à la recherche d’une cible ennemie à détruire puisque que tels sont les ordres de sa sortie d’aujourd’hui. Il est 16h00 et la Flack allemande avait commencé à s’acharner dans sa direction et soudain des impacts secouent l’avion violemment. Une fumée noire s’en échappe et Thomas en perd vite le contrôle. Ce sera sa dernière mission car, le temps de reprendre ses esprits, le sol monte vers lui à une vitesse vertigineuse qui, le plaquant sur le manche à balais, l’empêche de réagir. Le chasseur s’écrase à proximité de la ligne de chemin de fer, près du passage à niveau sur la D8 venant du Molay Littry (Rue du Mesnil Vitey). - Il est noté concernant la gare ferroviaire d’Airel : « Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'ancien bâtiment voyageurs est incendié le 2 juin 1943 par la chute d'un chasseur allié. Remplacé par un baraquement provisoire, il sera reconstruit au début des années 1960 dans le style régional ».
Les honneurs militaires lui seront rendus par les Allemands sans la présence des habitants qui, pour l’occasion ont reçu l’ordre de se confiner chez eux. Il sera inhumé dans l’enclos paroissial (cimetière) d’Airel (50) avant qu’une sépulture du CWGC (Commonwealth War Grave Commission) lui affecte une tombe de guerre an tête de laquelle sera planté un mat dédié à supporter les couleurs lors des commémorations officielles. Celle-ci est signalée à l’entrée du cimetière par la plaque verte officielle et traditionnelle indiquant la présence d’un combattant de la Couronne britannique en ce « churchyard ».
Après-guerre, le village honorera sa mémoire de différentes façons. Tout d’abord une stèle sera érigée (voir la carte indiquant son emplacement sur : https://www.aerosteles.net/stelefr-airel-tmpethick, une zone pavillonnaire est baptisée à son nom et une impasse lui est également dédiée.
Chaque 8 mai, les anciens combattants invitent la population et les sympathisants à un rassemblement pour une minute de silence sur la sépulture du pilote suivie de l’Hymne canadien avant de déposer une gerbe sur la stèle. Un grand merci à eux pour cette célébration traditionnelle.
De part et d’autre de la Vire deux communes se font face, Airel à l’est et Saint-Fromond à l’ouest et entre elles deux ponts enjambant d’une part le cours d’eau principal (la Vire) – le Pont de Saint-Fromond - et un de ses bras – Le Pont d’Airel. Le premier pont en pierre n’est que légèrement endommagé par les bombardements qui l’ont visé mais ceux-ci ont tout de même causé des dommages collatéraux parmi les civils qui comptent des victimes. Les sépultures de ces malheureux habitants sont visibles au cimetière communal : Madame Colette MAURICE et Monsieur Hyacinthe ROBIOLLE entre autres. D’autres victimes de ce conflit sont aussi à déplorer d’après une plaque apposée dans l’église Saint-Georges : Camille HENRY, Paul ELIE, Louis LEMERRE, Louise LEMERRE, Thérèse LEMERRE, Marcel LELONG (mort en déportation à Buchenwald le 18 novembre 1943), Jules GARNIER, René LAVILLE, Edmond ANNE, Pierre GIBERT, Alphonsine GIBERT, Fernand LESAUVAGE, Henri BILLARD et Maurice LEMARCHAND (Mort pour la France).
Le Débarquement de l’opération « Overlord » à déjà eu lieu le 6 juin 1944 au matin et un groupe de la 29th Infantry Division a déjà tenté, le long de la Vire, une incursion, le 9 juin, dans le village d’Airel mais avait dû se replier vers des positions plus sures.
« - La 30th Infantry Division, le 18 juin, avec le 117th Infantry Regiment arrive au nord d’Airel, rencontrant seulement une légère opposition, et libère la ville mais enregistre une nette résistance en arrivant face au pont en pierres enjambant la rivière : le Pont de St-Fromond; Celui-ci est pratiquement intact mais fortement défendu par le feu des mitrailleuses postées de l'autre côté.
L’avancée est stoppée devant la Vire en attendant des renforts en hommes et en matériels. La compagnie D est alors rattachée au 3e bataillon car ni la compagnie d’armes lourdes ni la compagnie de fusiliers du 1er bataillon ne sont arrivées. Un seul bataillon est alors en ligne car les autres ont été placés en réserve le 17 juin au sein du XIX Corps de réserve et ont installé leur bivouac à environ un mile (1609 mètres environ) à l'arrière. Le 18, l'ensemble du 119th installe également son campement à bonne distance et décide d’envoyer en reconnaissance un peloton jusqu’au Lieu-dit du Carillon, cote 102, (N.49° 09’ 54’’, O.001° 05’ 11’’) proche de La Meauffe afin de relever des troupes amies supposément installées dans le hameau, mais celui-ci s'avère être toujours occupé par les Allemands de la 352e I.D qui ne montre aucun désir de changer la donne et accueille les nouveaux venus avec une grêle de balles qui ne cesse qu’a la nuit noire. La Compagnie B est dépêchée le lendemain matin en renfort et, obligeant, par effet de surprise, l’ennemi à décrocher de ses positions, occupe rapidement la moitié nord du village. Dans la journée tout le 1er bataillon a pris position dans ce secteur. Enterré sur ses nouvelles positions le long de la colline boisée au sud du village, l’ennemi réaffirme, par des tirs sporadiques mais précis, son intérêt à conserver la place avec ténacité.
« Rapport du 18 Juin 1944 – 119th, 1 Bn. A 04h30 nous avons eu un message du Lt Rip Collins de la Compagnie B qu'il n'a pas pu atteindre la ville de La Meauffe. Il a établi la défense précipitée le long de haute terre avant le premier pont. La Compagnie B arrive donc aux abords de La Meauffe et ne signale aucune activité. A 10h00, l'artillerie ennemie tombe dans la zone de la Compagnie C. Notre première victime de cette action de l'ennemi fut le sergent Thomas de la Compagnie D qui est décédé plus tard de ses blessures. A 13h40 nous avons eu un message de crise indiquant que la Compagnie K prendrait positions à la place de la Compagnie A qui devait nettoyer les bords de la rivière au Sud-Ouest de l'église de La Meauffe tandis que la Compagnie B prenait des positions défensives sur la rive opposée de la rivière Vire.
A 16h26, le Private Fernberg et sa patrouille sont revenus après avoir traversé la rivière et sont tombé sur une position de MG. A 20h00 Co ils réclamaient des brancardiers ... Nous avons rencontré une forte résistance à l'orée du bois. Le Lieutenant Heginbotham blessé à l'œil ne resta dans la station de premiers secours que pendant une courte période. Pendant le combat de sa compagnie, le Lt DENT a été grièvement blessé à travers la poitrine et le Sgt Mayette, de la Compagnie C, a eu le bras traversé par une balle. Le Private Kaufman de la section de mortier de la Compagnie D a été tué en action. Le lieutenant Missimer, chef de peloton de la Compagnie A est porté disparu et le Private Castaneda de la même compagnie est mort durant le combat. Le lieutenant Howling est parti en patrouille pour entrer en contact avec le 175th Infantry Regiment de la 29th Div et n’est toujours pas rentré ».
Finalement, le 19, le bataillon reçoit l’ordre de se replier et d’abandonner le secteur pour regagner son point initial. La Meauffe vaudra, peut-être plus tard, suivant l’évolution de la situation, un combat bien que l'opposition pourrait alors être plus forte et cette avancée était pourtant conséquente.
S’il est vrai que depuis le 16 juin le 120th avait progressé assez facilement jusqu'à être en vue du canal, la situation avait quelque peu changé avec ce marais totalement à découvert qui présentait un risque potentiel pour la poursuite des opérations. La conviction du Commandement de la Division était de poursuivre l'attaque en direction du sud mais il fallait désormais changer temporairement les plans et piquer vers l'ouest en direction d’Airel via St-Jean-de-Daye. L’avance se voit stoppée, sur ordre de l’Etat major, pour une durée de trois semaines …/… Plusieurs raids sont tentés durant cette période d’attente ; trois par le 2nd Battalion du 120th Infantry Regiment , vers le sud-ouest, près de Graignes, deux ont réussi à détruire plusieurs postes de mitrailleuses au prix de quelques pertes dans leurs rangs alors qu’un troisième a coûté la vie à 10 hommes sur les 15 qu’il comportait mais a infligé des pertes plus sévères à l’ennemi. Un autre, mené par un peloton du 117th, au départ d’Airel jusqu’au Pont-de-St-Fromond, est gêné par l’obscurité et des tirs de l’artillerie amie !!!
Les groupes ont commencé à prendre des tirs de snipers qui durant la nuit se sont faufilé dans quelques petits vergers et profitent d’une couverture parfaite, comme cela devient une habitude, dans le feuillage d’un pommier pour ajuster leurs cibles qui sont, en général, des porteurs de barrettes. Ceux-ci en viendront un peu plus tard à dissimuler les marques de grades, avec de la boue, qui les mettent trop en évidence. Il faudra une intervention de chars légers, toujours disponibles dans la réserve régimentaire, pour les déloger mais quelle perte d’énergie et de munitions pour un résultat bien maigre. Le 22 juin Le T/Sergeant Hinton C. LEWIS (matricule 20453030) de la Cie A du 120th est abattu ainsi que le 1st Lieutenant Foster S. PEASE (matricule O-129757) de la Cie B, le Pfc Joel B. PERRY de la Cie I, le 23 juin c’est la Cie G qui voit le Private Harold F. PROVOST (matricule 31200093) tomber pour ne plus se relever. Le Pfc Paul J. SICKLER (matricule 32757301) du Medic Battalion tombe à son tour alors qu’il assume sa mission de secours auprès des blessés. Ces diables d’Allemands ne respecteront donc jamais la Convention de Genève ! La 1st compagnie du 119th perd le Private James R. ANDERSON (matricule 39259663), et le 27, à la compagnie E, le Staff Sergeant Michael P. BANKOVSKY (matricule 33017764) ainsi que le Pfc Manona T. ROBINSON (matricule 34478005) à la Cie L.
Le temps s’écoule lentement et si les fantassins peuvent mener des actions, même sporadiques, le 743rd, forcé à l’inactivité, est aussi fortement préoccupé par la longue attente de la maintenance et les chefs de chars s’inquiètent de ne pas pouvoir être approvisionnés à temps pour la reprise de l’offensive à venir. Ce bataillon avait été transféré à la 30th Division pour la soutenir lors de l’attaque du 15 juin après qu’il ait accompagné la 1ère Division U.S « Big Red One » lors de la prise de Caumont-L’éventé les 12 et 13 juin et s’il subit un arrêt forcé et persistant durant cette période d’inactivité, il aura à connaître par la suite un engagement plus intense.
Du 1er au 6 juillet, la Division dans le cadre du XIX Corps, n’est pas restée inactive sur sa ligne de défense en arc de cercle du canal Vire et Taute - AIREL - La Meauffe (Canton de St Clair sur l’Elle). Du fait de cette période d’attente, le 81st Chemical Mortar Battalion, inutilisé est renvoyé vers sa division d’origine le 01 juillet où les besoins s’en font sentir.
Le Bataillon C du 105th Engineer Combat Battalion s’est normalement mis en support de la Division dans sa défense du secteur et continue ses reconnaissances des différents points d’accès vers la rivière. La Vire, au sud de la jonction avec le canal, possède des rives assez escarpées de près de 2,50 mètres de hauteur avec une partie dégagée sur chaque rive d’environ 400m de large relativement sèche. Par contre, la rivière doit obligatoirement être traversée sur des embarcations car, les Allemands ayant procédé à l’inondation des cours d’eau en brisant les écluses et permettant ainsi le reflux des marées vers l’intérieur des terres, elle est large de 150 à 180 mètres suivant les endroits et profonde de 2,70 à 3,20 mètres. Les accès en direction d’Airel sont assez aisés car disposant d’un réseau routier fiable et en relatif bon état sauf le pont en pierres qui est détruit partiellement mais réparable.
Le 1er juillet, les 1st et 2nd pelotons de la Compagnie A ont été rattachés au 2nd peloton de la Compagnie B, et ont organisé un simulacre de traversée de la Vire aux moyens de bateaux d’assaut sur un secteur sécurisé au nord du secteur et ainsi assisté le 117th Infantry dans sa préparation de formation à ce mode de transport. Une partie de la Compagnie B a aidé à faire traverser le cours d’eau à deux patrouilles du 119th sur un autre secteur le 01 juillet à 11h30. Le reste de la compagnie s’organise et s’oriente vers la construction de passerelles et d’échelles. La Compagnie C prépare des sacs emplis de paille destinés à être utilisés dans le franchissement des hautes haies et ajoncs barrant les accès aux berges. Pendant toute la durée du 1 au 6 juillet, le bataillon fut pleinement engagé dans les opérations et les plans courants de préparation au bon fonctionnement du franchissement prévu.
Le 119th Infantry, dans le voisinage du village des ESSARTS a continué à patrouiller de façon active dans le secteur Est de la Vire. Le 2 juillet, les unités de réserve du régiment ont mené une traversée du fleuve en préparation pour l'opération en cours et le Sergeant James MacCUNE, héros du 16 juin, s’est encore distingué en assommant un nid de mitrailleuse avec des grenades à main. Il bénéficie d’une Bronze Star.
Ce même jour à 11h20, le 743rd Tank Battalion, moins un Peloton de la Compagnie C, et les deux pelotons Compagnie D, est relevé de son rattachement exclusif au 120th Infantry et est regroupé à proximité du PC du bataillon, dans la zone de fermeture à 22h.15. Il est désormais, à cette date, à la disposition de la Division en soutien de défense ou d'attaque de n’importe quelle unité.
Le 120th Infantry, dans les environs de MONTMARTIN EN GRAIGNES, a continué à assurer une défense assez active afin d’éviter toute infiltration de petits groupes très mobiles qui pouvaient, au moyen d’une MG42 et quelques servants et pourvoyeurs (un groupe de 4 hommes suffisait) décimer une section et prendre rapidement la fuite dans le labyrinthe des haies, et a aussi vigoureusement patrouillé dans son secteur Nord du Canal Vire et Taute afin de se prémunir d’une éventuelle contrattaque massive surprise qui le couperait des 117th et 119th stationnés dans le secteur d’Airel. Chacun prenait soin de bien faire son job même si désormais chaque soldat était un étranger pour son voisin car l’armée avait réussi à nous diviser de façon à ce que chaque ami de camp d’entrainement ou de traversée de la Manche se trouve éloigné. A croire que toute amitié au combat était proscrite. Malgré cela le Private Willis M., Jr TRUE, non affecté par ces états d’âme, prouve qu’il n’est pas besoin d’être gradé pour être un sérieux combattant et que l’on peut quand même sortir ses camarades de situations délicates. Il contribue par son courage et ses initiatives à tuer sept Allemands qui menaçaient un petit groupe et détruire trois mitrailleuses et ses servants derrière les lignes ennemies et gagne à cette occasion une Bronze Star bien méritée en jurant qu’il n’en restera pas là. La perte des Staff Sergeant Alfred HOVLAND de la Cie K et surtout Harry A. HANSEN tué d’une balle en pleine tête laisse quasiment tout le monde presque indifférent, juste un petit pincement au cœur peut être plus dû à la brutalité de la chose qu’au sentiment de camaraderie qui n’est pas encore viscéralement installé.
« Je viens d’arriver en remplacement d’un soldat tué au combat et je ne connais personne et pour les autres je suis un parfait inconnu. Je ne leur parle pas beaucoup au début, mais avec le temps aidant, j’apprends à en connaitre quelques-uns, qui ils sont, d’où ils viennent mais nous sommes tellement harcelés et si occupés que nous essayons juste de survivre. Lors de mon arrivée, certains m’avaient dissuadé de lier des relations d’amitié en me disant, tu vas surement être blessé bientôt ou même tué alors laisse tomber, il n’y a pas ici de temps pour la camaraderie ou autre chose. Tâche de bien faire ton travail et veille sur toi. A ce moment-là, je suis très reconnaissant à tout gars qui est autour de moi et qui me porte un coup d’œil de temps à autre. Je ne connais pas leur nom mais je suis heureux qu’ils soient là tout simplement. Je n’ai pas la moindre idée du nombre que nous sommes, je n’ai pas eu le temps de compter, trop occupé à essayer de me mettre à couvert en espérant que l’ennemi ne me voit pas et c’est une expérience assez traumatisante. Je ne suis pas en colère, j’accepte comme tout le monde ».
Le 117th, moins son 3rd battalion, est affecté alors à la réserve du XIX Corps à proximité de LISON, le 1st Battalion relevant le 3rd, et reprend son rôle dévolu, au sein de la division, le 06 juillet vers 22h00. Les patrouilles se poursuivent dans ce secteur Est de la Vire avec quelques escarmouches qui deviennent habituelles.
Durant ces premiers jours de juillet, et en vue de la prochaine offensive mise en place par les instances du QG de la Division, de nombreux remaniements interviennent entre diverses unités de la 30th dont des rattachements en provenance d’autres divisions ou de prêts de compagnies ou même de bataillons vers d’autres divisions. Rien n’est fait pour que nous puissions vraiment lier connaissance mais ce n’est pas vraiment un mal en soit car si le voisin est blessé ou tué, il reste, malgré son appartenance au groupe, un parfait inconnu même si cette relation impersonnelle n’empêche pas un certain malaise car il fait tout de même partie de la 30th.
Le 6 juillet, le 391th bataillon blindé d’artillerie de campagne ajoute un appui général à la Division d’artillerie, et les bataillons des 118th, 197th Field Artillery Battalion (artillerie de campagne) et du 230th Field Artillery Battalion tirent des tracts à l’attention des populations dans le voisinage de Graignes, Veneron, St Jean de Daye, St Fromond, Cavigny, Pont Hebert, Le Dezert en avertissement préalable de la lancée de l’offensive du lendemain.
Au soir du 6 juillet 1944, tous les hommes de la 30th savent désormais que « l’inaction » touche à sa fin et que dès le lendemain à l’aube, et peut-être même avant, les choses sérieuses vont commencer. Nous n’avons aucune idée de la direction que nous prendrons en partant d’ici sinon que ce sera vers le sud probablement. Certains s’endorment pour quelques heures à peine, dans la crainte des durs combats à venir et ils n’ont pas tort car la suite, s’il y en a une pour eux, s’avérera sanglante et difficile. Ce qu’ils savent c’est que les prisonniers faits au cours des 3 précédentes semaines appartiennent à des éléments du 984ème bataillon d’infanterie, du 352ème bataillon de reconnaissance et du 17ème SS régiment. D’autres hommes de la 7e Armée allemande ont été identifiés comme appartenant à la 2ème SS Panzer (Das Reich).
7 juillet 1944 – LA TRAVERSEE DE LA VIRE…
Les jours précédant l’attaque avaient été bien remplis en matière de reconnaissances et de planifications diverses par tous les acteurs, de constructions de passerelles et d’échelles destinées à gravir les pentes raides reconnues sur la rive opposée lors des répétitions approfondies et répétées maintes et maintes fois théoriquement mais qu’ils auraient à franchir maintenant sous le feu de l’ennemi.
Les lignes fluviales sont des obstacles mais ne sont pas insurmontables et les seules difficultés conjuguées sont d’être des cibles plus faciles pour l’ennemi alors qu’ils se frayent physiquement à la pagaie un chemin a travers l’eau. La traversée implique aussi d’arriver sur l’autre rive sans les armes lourdes et le soutien logistique qui restent pendant ce temps immobilisé de l’autre côté. L’effort fournit altère un peu les facultés des hommes qui, fatigués, sont plus souvent dangereux pour eux même dans le bref temps de récupération que l’agression elle-même. Les engineers, la police militaire et les transmissions doivent tenir compte de tous ces paramètres pour pouvoir acheminer les fournitures et la communication alors que les hommes sont les cibles les plus importantes en tant qu’assaillants.
Autre inconvénient, les frappes aériennes prévues au moyen de bombardiers légers en piqué sont annulées car les nuages sont trop bas et ne permettent pas le décollage des appareils.
La détermination des hommes mais aussi le facteur chance devront être mutuellement présents.
Le matin suivant, 07 juillet 1944, dès l’aube à 03h00, un bataillon du 117th quitte la zone de rassemblement et se place à 1km environ de la rive est de la Vire. Les hautes herbes sont mouillées et le sol est transformé en boue bien grasse qui colle sous les semelles. Une demi-heure plus tard l’artillerie divisionnaire du XIX Corps d’Artillerie, renforcée par le 203rd Field Artillery Battalion (de campagne), le 92nd Chemical Mortar Battalion et ses mortiers de 4.2 pouces et les canons de 3 pouces de la 823rd Tank Destroyer Battalion, déroule un tir de barrage qui arrose copieusement les lignes où se trouvent postés les canons allemands et qui laisse un grand nombre d'ennemis tapis dans leurs tranchées, même bien plus tard, lorsque les fantassins chargeront leurs positions à la baïonnette. Le ciel est bien couvert et les nuages bas mêlés à la brume dissimulent les eaux de la rivière éclipsant la pleine lune. Cette météo presque providentielle pouvait apporter un sérieux appui pour faciliter l’approche et la traversée mais n’avait pas rendu la nuit agréable pour tous ces hommes excités et angoissés qui ne trouvèrent qu’un sommeil bien relatif, leurs couvertures ayant été trempées d’humidité. Déjà quelques averses font leurs apparitions et pas d’amélioration en vue d’après les renseignements de la météo. Il va falloir faire avec ce temps qui rend le terrain et surtout le rivage très boueux et glissant.
Tout le monde a été briffé plusieurs fois durant les jours précédents et sait pertinemment qu’à 04h30, la 30th Division a planifié une attaque convergente au travers de la Vire et du canal Vire et Taute. Le 117th Infantry, sous les ordres du Colonel Henry E. Kelly, avait déjà effectué des démonstrations de traversées de rivières pour les élèves des écoles d'infanterie à Fort Benning en Géorgie et possédait donc de solides bases en la matière, c’est ce qui avait incité le Général HOBBS à le choisir pour cette mission. Adjoint aux chars du 743rd Tank Battalion, il devra traverser la Vire au moyen de bateaux d'assaut au nord du pont de St Fromond, après un méandre de la rivière non visible des postes de mitrailleuses défendant l’entrée du village. Le point de passage avait été choisi près du point de jonction entre le Canal Vire et Taute et la rivière Vire proprement dite. Les berges argileuses pouvaient être lisses et glissantes en cas de pluie. Une demi-heure auparavant, l’infanterie du 2nd Battalion devait commencer à se déplacer à partir de sa zone de rassemblement. Les hommes du 105th Engineer regrouperaient les compagnies d’assaut au bord de la dernière haie, près de la rivière, à 400m de la rive puis ils amèneraient leurs embarcations en caoutchouc et leurs échelles jusqu’au bord de l’eau en évitant tout bruit, bavardage ou même simple chuchotement. Tout avait été minutieusement préparé lors des briefings des jours précédents. Le 247th Engineer Combat Battalion (Bataillon du génie de combat) et le 503rd Ponton Light Company soutiendraient le 105th dans l’organisation de cette opération amphibie. La 30th Signal Company a établi un poste de communication à la côte 512742 pour aider à franchir de la Vire.
Les soldats du 2nd battalion du 117th du Lt-Colonel Arthur H. FULLER, devaient initialement traverser le pont en pierres entre Airel et St-Fromond mais il fut il a été en partie détruit par les Allemands et il fut donc décidé de franchir la Vire à l’aide des canots d’assaut mis à leur disposition par le 105th Engineer Battalion puis de se diriger vers l’ouest afin de repiquer ensuite vers le sud.
L’objectif est d’atteindre et de prendre St Fromond, d’effectuer un nettoyage total puis d’atteindre le carrefour, à l’ouest, sur la route principale pour faire la jonction avec le 120th arrivant du nord.
Le 119th du Colonel Alfred V. ADNIE, pourrait alors suivre le mouvement et assurer le renfort.
Sur le papier, le plan est impeccable mais sur le terrain cela prendra un peu plus de temps.Trois vagues d’assaut sont prévues à travers la rivière tandis que le reste des troupes doit traverser sur des ponts et passerelles prévus et mis en place, concomitamment, par les engineers du 105th. Si toutefois ceux-ci n’étaient pas prêts à la fin de la troisième vague, les traversées en bateaux doivent se poursuivre jusqu’à ce que suffisamment de ces ouvrages aient été fixés pour permettre le passage de l’infanterie et des véhicules.
Les rives sont raides et les bateaux ont embarqué de l’eau lors de leur mise à flot qui intervient avec un peu d’avance sur l’horaire prévu. Quatre hommes d’équipage sont affectés à chaque bateau ; trois pour pagayer et le quatrième, restant sur la rive pour hâler l’embarcation, à l’aide d’une corde préalablement fixée, et la ramener à son point de départ pour la vague suivante. A 04h30 tapante, juste avant l’aube, sur la ligne de départ, les fantassins et les sapeurs se faufilent à travers les haies où de larges brèches ont été préalablement faites et se dirigent le long des chemins préparés jusqu’à l’eau. Portant leurs embarcations en plus de leurs armes, de munitions et de leurs sacs de combat, ils se laissent glisser le long de la pente d’argile. Une première vague de 32 bateaux embarquant 12 hommes chacun commence sa traversée de la Vire. Alors qu’on met le cap sur la rive opposée et comme si la brume ne suffisait pas, nous sommes avalés dans l'écran de fumée prévu sur le fleuve et maintenant la lune a totalement disparue.
L’équipe de mortiers de la Compagnie F a casé ses armes dans son canot en évitant de les laisser tremper et pendant qu’un groupe écope les autres rament consciencieusement de manière à éviter de ré-inonder le bateau. A 4h40, les premiers hommes du 117th (Cies E & F) prennent pied sur la rive ouest et après avoir franchi le talus avec leurs échelles ils se précipitent, en suivant toutes les instructions reçues, pour passer la première tranche de haies située à plus de 400m et se mettre à couvert. Pendant ce temps, les Engineers sont déjà repartis sur l’autre rive afin d’effectuer leur deuxième chargement. Bientôt, intrigués par une certaine activité qui semble venir du coude de la rivière, l’ennemi décide d’y adresser quelques tirs d’artillerie et les canons de 88mm ouvrent le feu dans cette direction. Au moment où la deuxième vague a commencé, trente minutes plus tard, les tirs d'artillerie et de mortiers viennent s'écraser dans le mouvement de flux. Les Engineers sont encore occupés à la rivière. Sans attendre, la compagnie G suit le mouvement dix minutes plus tard et après avoir rejoint les derniers éléments de la Compagnie F, entreprend de nettoyer soigneusement le secteur avant de prendre la direction sud-ouest de son objectif : St-Fromond.
Puis traverse la Compagnie H qui se divise ensuite en deux sections ; l’une à la suite de la Compagnie E sur le flanc droit et l’autre vers les arrières de la Compagnie F sur le flanc gauche.
Comme dans toutes opérations de franchissement, tout est basé sur le travail des sapeurs du Génie et en l’occurrence celui, dans le cas présent, du 105e bataillon de Génie de Combat divisionnaire du Lieutenant-Colonel Carroll H. DUN. En plus de son rôle actif dans les opérations de déminage, de démolitions, de réparations de routes, d’assistance à l’aide de lance-flammes, de destructions de haies, la fourniture d’embarcations, d’échelles, la mise en place de ponts et de passerelles leur est dévolue.
Alors que la première vague d’assaut s’est infiltrée assez loin de la zone littorale, la 3rd section de la compagnie B du 105th Engineer Battalion commence à transporter au bord de l'eau la lourde passerelle pré-montée qu’elle a construite lorsque la première vague a entamé sa traversée, afin de permettre la mise en place d’un pont-ponton pour le passage des véhicules de la division organique. Six travées sont déjà dans l'eau lorsqu’ un coup direct s’écrase sur le pont et en détruit une bonne partie. Une autre concentration de tirs, presque simultanément, tue quatre hommes et en blesse quatre autres lors du transport d’une autre section du pont à la rivière. Les autres hommes du peloton reprennent cependant la construction, toujours sous le feu ennemi.
La dernière travée du pont vient d'être mise en place sur le deuxième essai lorsque l'artillerie ennemie trouve à nouveau sa cible, arrachant le pont de ses amarres et blessant grièvement plusieurs hommes. Quarante pour cent du peloton en est victime à ce moment-là, mais le travail doit continuer ; le pont doit impérativement être installé. Certains de ces hommes nagent dans la rivière malgré leurs graves blessures, certains peuvent atteindre les piles du pont encore intactes mais d’autres sont emportés par le courant et se noient.
A 7h30 un pont de soutien d'infanterie est ordonné au nord du pont, pour remplacer désormais les traversées en canot. La mise en place est effectuée par un peloton du 247th Engineer Combat Battalion et le peloton de la 503rd Light Ponton Company. Une heure plus tard, il est complètement achevé tandis que le 105th s’affaire à enlever les corps de leurs compagnons sur le pont de pierres endommagé à Airel avant que ses sections en ruine puissent être déminées et nettoyées de tous les débris divers, consolidées puis comblées. Les travaux ont débuté à 8h47. Les réparations qui sont entreprises par un officier du génie et six hommes, au moyen de bandes de roulement, avec l’aide de deux camions « Brockway », durent 2 heures avant d’être achevées et sont couvertes par des obus fumigènes tirés par l’artillerie divisionnaire. Ces véhicules spéciaux assurent le transport des sections de travées « Treadway » et sont également équipés de rampes hydrauliques pour lever les voies de roulement et les mettre en place. Ils sont capables de soulever six tonnes d’acier au moyen de leurs flèches. Dès 09h00 ils ont recouvert les dommages dans la chaussée et cinq minutes plus tard, un bulldozer traverse le pont de pierre et entame le dégagement de la rue occidentale jouxtant St-Fromond. Pour leur part, les sapeurs ont déjà entamé le déminage de ce secteur. Il s’avère qu’à 10h00 les premiers véhicules peuvent désormais franchir le pont sans encombre !!!
A Les trois premières vagues d'infanterie avaient utilisé des embarcations d'assaut et désormais les ponts les plus lourds sont enfin mis en place. Seulement quatre heures plus tard, le pont est ouvert pour les premiers passages. Bien que les conditions soient suffisantes pour que les jeeps puissent effectuer un franchissement sécurisé, celui-ci doit aussi être capable de supporter le trafic du bataillon de chars lourds attaché à la division. Cet ordre avait été donné comme priorité pour son utilisation mais ce n’est pas encore le cas.
Au nord, dans le secteur du 120th, la traversée par le char leader de la Company A du 743rd Tank Battalion, en appui de l'attaque, est autorisée à 14h05. Maintenant le mouvement s’accélère singulièrement tandis qu'un pont flottant supplémentaire « Treadway » est installé en quatre heures au sud par le 247th Engineer Combat Battalion sans subir à cet endroit de tirs ennemis. En milieu d’après-midi, un Half- track et sa remorque sont touchés de plein fouet par un obus ennemi basculent du pont et obstruent le ponton. Les efforts entrepris pour canaliser les véhicules et effectuer conjointement la réfection du pont, une nouvelle fois endommagé, durant la fin d’après-midi et une partie de la soirée, restent vains. Il faut couper la circulation sur cette partie et n’utiliser qu’une structure. La section du génie, qui a perdu un total de 20 hommes dans cette entreprise, reçut, plus tard, la Distinguished Unit Citation pour cette action.
Le Général Hobbs a prévu, à terme, l’utilisation de la structure en pierre et de la bande de roulement pour le trafic intense et à sens unique vers l’ouest et le pont-ponton pour celui, moins important, des passages de retour vers l’est réservé aux ambulances et estafettes.
Sur l'autre rive le 2nd Battalion du 117th a du mal à suivre avec son barrage d'artillerie, roulant 100 mètres devant lui toutes les cinq minutes mais ne touchant que très peu de cibles. Il s’avère alors qu’une telle débauche de tirs est un véritable gaspillage de munitions pour les résultats obtenus. Hobbs décide donc de le supprimer purement et simplement pour éviter tout accident malencontreux et garder de la ressource pour les combats à venir. Les deux principales compagnies de fusiliers se sont alors déplacées rapidement vers le sud-ouest à travers les champs et les haies sur un kilomètre. Les Compagnies E & F se dirigent alors vers le haut de la colline la plus proche, position « Hill 30 », d’où ils chassent l’ennemi qui tentait de s’y accrocher et qui a déguerpi vers le sud. Cette position, somme toute, assez stratégique est essentielle pour définir clairement les positions allemandes. La Compagnie G, située quelques centaines de mètres plus au sud des 2 autres exécute une manœuvre plus difficile au début de ce déploiement. Elle choisit de couper brusquement vers la gauche en entrant dans St-Fromond pour se battre avec les fusils lance-grenades et des bazookas, puis en pivotant vers la droite pour protéger le flanc gauche du bataillon. La Compagnie E a atteint sa ligne d’objectif à 8h00 sous un feu ennemi plus nourri et avec d’immenses difficultés. Un groupe commandé par le capitaine George H. SIBBALD et composé de 14 hommes suit un des pelotons de la Company F et ce petit noyau se trouve dans un échange de feu violent à son arrivée sur une haie face à un groupe ennemi de 25 ou 30 hommes déterminés. Lorsque le peloton de soutien arrive peu de temps après, il nettoie rapidement ce secteur et le groupe reprend alors sa progression.
Un nouveau nid de mitrailleuse ouvre le feu d’un peu plus loin ; quatre volontaires demandés par le commandant du bataillon, le Colonel
Fuller, parviennent à l’éliminer en tuant un Allemand et faisant quatre prisonniers. La compagnie peut encore poursuivre son avance.
La Compagnie A est arrivé à la suite du 2nd Battalion dans St Fromond pour sécuriser le village, ce qui permet ensuite au
3rd Battalion de commencer sa traversée.
La tête de pont est établie par le 2nd Battalion et l'attaque a été faite avec les 2nd et 3rd Battalions, de front, en support sur le flanc gauche, soutenant l'attaque continue vers l'ouest et sud-ouest. Une compagnie d'infanterie de réserve du 117th suivie du 2nd Battalion traverse la rivière en vue d’aider à nettoyer complètement la ville de Saint-Fromond de toute résistance alors que les encombrements s’accentuent avec le flot incessant des véhicules de fournitures et de ravitaillement en munition et en essence, ceux des personnels radios et sanitaires et bientôt le pont se trouve bloqué une fois de plus.
Le 119th Infantry, moins son 2nd bataillon qui a aussi traversé, a initialement soutenu la traversée de l'infanterie du 117th par le feu continu de toutes les armes lourdes à sa disposition à partir de ses positions sur la rive Est de la Vire. Les tirs de couverture de son 3rd Bataillon ont été stoppés à 07h55 et à 10h40 celui-ci doit se réunir à proximité des « Essarts » pour se préparer à traverser la rivière sur l'ordre du PC de la Division, au sud du pont en pierres, sur la passerelle. Celle –ci s’effectue sous le feu sporadique de l’ennemi. Les positions du 1st Battalion ont été étendues aux secteurs anciennement détenus par les 3rd et 2nd Battalion reversés dans la division de réserve. Il a traversé la Vire sur la passerelle mise en place à l'ouest d’Airel vers 10h10 et en entrant dans St Fromond il est en contact direct avec l'ennemi sur la gauche du 2nd Battalion du 117th Infantry
Le 120th Infantry, moins son 2nd Battalion, s’est vu attacher les 1st et 2nd pelotons de chars de la Compagnie D et le 3rd peloton de chars de la compagnie C du 743rd Tank Battalion avec ses 52 chars médiums et ses 17 chars légers ainsi que la Compagnie C du 105th Battalion C du génie , pour forcer la traversée du Canal Vire et Taute le 07 Juillet à 13h45 sur la route au nord de St Jean de Daye conjointement avec le renouvellement de l'attaque initiée par le 117th Infantry qui axe sa lancée en jouant sur le fait que sa position en fer de lance puisse déstabiliser la ligne ennemie au sud du canal en menaçant ses arrières. Le 120th Infantry qui ne dispose que de deux solutions mis à sa disposition attaque plein sud, avec deux bataillons, le long de l'axe de la route principale (Pont Hébert et Saint-Lô) en direction du sud. Les Allemands sont parfaitement instruits qu’avec un canal et des marécages en face, deux seuls passages sont disponibles : à l’ouest, un passage asséché et étroit dans le voisinage de Graignes et à l’est, un couloir suffisamment à sec de 400 mètres de part et d’autre du pont détruit qui enjambe le canal au niveau de la route principale et c’est celui qui est choisi par le colonel Hammond D. BIRKS pour rester au contact des éventuels renforts.
Pour pallier cette éventualité, le 2nd Battalion restera en réserve derrière le 1st qui prendra le côté gauche de l’axe routier alors que le 3rd prendra la partie droite. Au début de l'après-midi, à 13h45, le 120th se lance vers son objectif premier, St Jean-de-Daye, situé à 1500 mètres environ au nord du carrefour vers lequel s’est dirigé le 117th.
Le canal n'est pas aussi profond que la rivière et peut être passé à « gué » à cet endroit avec quand même de l’eau jusqu’au torse. Des
passerelles construites par la Compagnie C du bataillon du génie doivent été utilisées mais, ces ponts préconstruits se révèlent trop courts et doivent être doublés. Ce fâcheux contretemps risque de
mettre à mal le plan prévu mais les sapeurs du génie connaissent parfaitement leur rôle et la mise en place ne prend qu’une petite heure. Mais ils s’aperçoivent qu’au-delà, le chemin est miné. Alors,
sous les ordres du 1st Lieutenant Salvatore F. PETINGA du 120th/1st Battalion – Ammo & Pioneer (matricule 0.1297418), les sapeurs de 1re classe Hyman COVERMAN (matricule
32196529), Luther K. KNECHTLY (matricule 35472872), William M. MALONEY (matricule 35398768), Maynard W. HALL (matricule 35738783), le Private First Class Franck J. HURLEY (matricule 16067913),
David I. CARPENTER (matricule 34390184), Hollie D. CARLISLE (matricule 20454695), Manuel MOORE (matricule 35713733), et les Privates William GRIFFIN (matricule 32517025), Albert CHELLI
(matricule 35738891), Dominick E. GUIDO (matricule 15337045), Leonard C. MATHIS (matricule 34689410), William H. COATES (matricule 33340497), Harry L. GARBRICK (matricule 33255480), Virgile W. MILES
(matricule 35496582), John W. WILLIAMS (matricule 35561152) 120th/CN, n’écoutant que leur courage, s’attaquent au déminage et dégagent un passage jusqu’aux haies qui gênent
l’avance de leurs camarades de l’infanterie. Ils ont soudain l’idée d’utiliser les mines à leur disposition pour tenter d’ouvrir de plus larges brèches dans ce véritable mur végétal alors qu’ils
essuient un feu nourri de la part de l’ennemi qui les a repérés. En ajoutant quelques petits sacs de TNT, l’effet espéré est plus que probant. Pour cette opération réussie avec brio ils obtiendront
la Bronze star le 24 juillet 1944. Seul F.J. HURLEY manque à l’appel en fin d’opération. Il n’a pas pu avoir la même joie que ses compagnons lorsque les haies se sont soudainement éclaircies après la
dissipation de la fumée des explosions. Il a été estourbi et restera de longues heures sans connaissance mais rejoindra le régiment plus tard par ses propres moyens. Quant à L.C. MATHIS, il trouvera
la mort le 25 juillet.
L'artillerie a tiré dans les délais prévus, malgré ce retard alors que l'ennemi est de retour, en position de tir à l’arme lourde, dernière sa ligne de protection, et redouble d’un feu soutenu lorsque l'infanterie peut enfin partir à l'assaut. La première balle est pour Earl R. WESTCOTT (matricule 36704999) de la Cie L qui, s’étant égaré de son groupe, est parti à l’attaque au sein d’une autre compagnie, ce qui ne lui porte pas chance. Il est tué net. Durant ce temps, quand les premiers groupes se sont enfoncés jusqu’à atteindre un point situé à seulement 600 mètres de leur objectif, les « engineers » installent une bande de roulement « treadway » pour permettre le passage des chars alors que les obus ennemis s’abattent toujours intensément sur le secteur du canal. George W. JARRETT – Infirmier T/5 au 120th Médic Battalion (matricule 34031561) s’expose à un feu nourri pour évacuer du secteur pilonné neuf hommes à bord de sa jeep et réussi à ramener tout le monde à bon port vers l’arrière en secteur protégé.
« Je m’appelle John, j’appartiens au 120th Infantry Régiment, Company K, 3rd Battalion et j’ai appris que nous devions faire mouvement à 13h45 pour franchir le canal Taute. Tôt ce matin, sous le couvert de l’obscurité, nous avons déménagé notre position vers l’arrière des haies le long de la rive du canal. Notre groupe a été choisi pour effectuer le premier franchissement. Le temps est couvert et brumeux avec des averses intermittentes. L’attente est longue et enfin l’heure choisie arrive et le signal est donné. Je pense être le premier à traverser dans notre secteur. Le pont a été détruit par les allemands et les « Engineers » ont dû préparer des passerelles et pour ma part, j’ai repéré les poutres en bois soufflées par l’explosion et qui, placées sur les piliers en bétons encore existants, feront un nouveau pont parfait. Je traverse donc la haie et je descends sur ma gauche vers la rive pour chercher mon bois quand j’aperçois le Staff Sergeant DICKERSON blessé au bord de l’eau, revenant d’une patrouille, très pâle mais alors que je m’approche de lui, il lève le pouce pour m’indiquer que ça va et que je peux continuer. Cela a bien fonctionné à mon avantage car je suis passé bien avant l’ouverture du feu par l’ennemi qui ne m’attendait pas à cet endroit mais l’inconvénient est que je suis en avance sur les autres. Le 2nd platoon est à ma droite où il est prévu qu’il utilise une passerelle mais je ne sais pas ce qui arrive lorsque que retentit une forte explosion juste avant mon départ. En fait, il semble que ce soit un obus allemand non explosé qui a été mal manipulé lors de sa tentative de neutralisation par nos « ingénieurs » du Génie, tuant net mon sergent JONES ainsi que 2 autres hommes de mon équipe. Nos instructions étaient de suivre le déclenchement du lourd tir de barrage de notre artillerie et d’avancer de 100 mètres puis de profiter d’un second barrage roulant pour passer. Après ma traversée, j’ai parcouru en courant près de 200 mètres dans une fumée âcre, parmi les cratères formés par les obus et les corps des ennemis qui jonchaient le sol. J’ai été rejoint par environ une demi-équipe et avons encore couvert 150 mètres sans rencontrer la moindre opposition. Ayant du mal à me repérer, je pensais avoir rejoint le gros de la compagnie K et me dirige vers eux mais je me ravise rapidement quand un homme surgit hors d’un trou juste devant moi. Sans plus réfléchir, je tire « à la hanche » et ma balle effleure le crane de mon adversaire qui fortement sonné, jette aussitôt son fusil à terre et met les mains sur sa tête d’où s’écoule un filet de sang. C’est mon premier prisonnier et c’est un soldat SS. Alors ça ! J’étais suivi par un nommé Henry Pollack WALNECK qui parlait parfaitement l’allemand et qui pouvait donc communiquer avec lui. Je lui confie alors le prisonnier avec instructions de la remettre à l’officier commandant la compagnie puis revenir nous rejoindre. Nous avons attendu son retour en vain mais il n’a jamais été revu sur ce secteur. Il avait du avoir un moment d’inattention car nous avons appris bien plus tard qu’il était lui-même prisonnier de guerre et que le SS avait disparu sans jamais avoir atteint nos ligne ».
« J’ai maintenant été rejoint par le Sergeant CARLSON de ma Compagnie avec environ une demi-escouade et avons décidé, après réflexion, que nous étions trop loin en avant et coupés du gros de nos troupes. Mais pourquoi étions-nous les seuls à être aussi avancés ? Il fallait donc revenir en arrière et passer de l’autre côté de la ligne de couverture et en nous dispersant de part et d’autre. De cette façon, si nous étions surpris par des tirs d’artillerie, nous pouvions mutuellement protéger nos flancs. Dès que le Sgt CARLSON a franchi la haie, plusieurs coups de feu ont retenti … je traverse également mais avec précaution et trouve mon camarade au sol avec une balle dans le cou. Après avoir été blessé, il a réussi à tuer l’Allemand. Après un minutieux tour d’horizon pour m’assurer d’éventuelles présences d’autres ennemis, j’ordonne la mise en place d’une défense de première urgence et je m’occupe de la plaie du sergent. Chaque soldat a une trousse de premiers soins attachée à son ceinturon ainsi que des clips de munition pour son fusil ou sa carabine. J’ouvre la bouche de Carlson et lui donne une pilule avec de l’eau de sa gourde. L’artère n’a pas été touchée car le sang s’écoule en continu et pas par giclées, ce qui me rassure un peu, et j’utilise la gaze pour éponger. Après avoir coupé une bande sur un pan de sa chemise à l’aide de mon couteau de combat, j’applique de la poudre de sulfamides sur la plaie et je recouvre du bandage de compression. Un de ses hommes porte son arme et un autre m’aide à le soutenir pour rejoindre les lignes de la Compagnie ».
« Mais pourquoi étions-nous les seuls à être aussi avancés ? cette question me taraudait et en retrouvant notre chef de peloton, Le Lieutenant NASH avec une partie de la 3e section, nous découvrons la réponse à ma question. Les passerelles étaient trop courtes et les hommes ont terminé la traversée avec de l’eau jusqu’à la poitrine. En sortant de l’eau, pratiquement sans défense, ils ont été victimes de tirs de mitrailleuses et la quasi-totalité du peloton du T/Sergeant DAVIS avait été balayé. J’apprends alors que le Capitaine SMITH m’a promu au grade de T/Sergeant pour le remplacer et faire de moi le commandant en second de la 3e section. Quant au reste de mon équipe, il avait traversé le bois sous le commandement du Corporal HOUSCHELD qui avait remplacé le Sergeant HELTON dont le pied avait été arraché le 16 juin. Le sort s’était alors acharné puisque ce dernier avait subi le même sort après avoir traversé le canal. Il avait prévu de devenir joueur de base-ball professionnel lors de son retour au pays mais il devra désormais penser à un changement de carrière ».
« Le Capitaine SMITH me rapporte qu’il a vu un soldat, blessé à la jambe, mettre un pansement sur sa plaie et reprendre son avancée sans que cela ne paraisse trop grave. Nous avons été choqués de découvrir plus tard dans la journée qu’il était mort sur l’autre rive du canal en compagnie de deux hommes de mon ancien groupe de mitrailleuses, James GOOGE que j’avais jadis connu en Floride et l’autre Floyd HORSERLY, un montagnard du Comté de Lewis qui n’avait jamais pu s’adapter à porter correctement l’uniforme Je l’avais rencontré à Aleysbury en Angleterre où nous avions déjeuné de nourriture chinoise pour la première fois et j’avais apprécié ».
(Extrais des mémoires de John (?) dans une lettre adressée à sa petite fille …)
Le 3rd Battalion du 120th est resté sur la rive nord près de la route de campagne menant au Mesnil-Angot près de la rivière Taute. Désigné comme corps de réserve, il soutient la traversée du régiment par un feu nourri afin d’attirer l’attention de l’ennemi, puis feinte une traversée pour vérifier la réaction des Allemands sur une éventuelle contre-traversée. Il doit attendre également que le 113th Cavalry Group du Colonel William S. BIDDLE puisse traverser le canal mais il faut un pont plus conséquent pour le passage des chars. Il faut donc un pont Treadway que le 105th Engineers doit poser alors que le site est sous un feu constant de l’artillerie ennemie. Après une attente de plusieurs heures et vu que rien ne se calme, le général HOBBS prend la décision de faire abstraction de cette situation et de lancer cette mise place et, encore une fois, en une heure l’opération est menée à bien par ces diables du Génie.
Le peloton du 105th affecté à ce régiment s’affaire déjà à jeter des passerelles en caillebotis au travers du canal pour permettre le passage des hommes des compagnies d’armes lourdes et des brancardiers pour l’évacuation des victimes. Ils doivent également réparer la structure du pont solide et mettre en place une bande de roulement. Avant que le 113th Cavalry ne s’engage, les trois pelotons de chars du 743rd se sont rués et forme désormais un embouteillage inextricable. Ce n’est qu’à 20h30 que le 113th Cavalry Group peut traverser désormais avec près de 5 heures de retard, le plus rapidement si possible, avec pour mission principale de protéger le flanc droit de la division en contrôlant toute tentative allemande d’une éventuelle contreattaque par l’ouest où le risque subsiste d’être contourné et pris dans une pince. Le 1st Battalion a essuyé un feu d’armes légères et de mortier beaucoup plus intense que celui qui atteint le 3rd à cette heure tardive et la traversée du canal s’en trouve pour lui bien plus facilitée.
Toute la logistique doit pouvoir suivre et la route étroite ne permet pas un écoulement du trafic et la congestion est inévitable. Le seul pont à travers le canal est insuffisant en ce qui concerne cette voie générale d’approvisionnement. Il faut aussi désormais compter sur un reflux qui draine les premiers blessés. Il faut donc songer rapidement à doubler les accès et les sapeurs du Génie sont mis une nouvelle fois à contribution et il faut faire appel aux bulldozers pour combler le canal de terre sur une dizaine de mètres de large et poser une bande de roulement. Ce second passage est effectif peu avant minuit et aussitôt mis en service.
« Nous avons relié, avec la Compagnie « K », une partie de la Haute-Terre à l’ouest de St-Jean-de-Daye et avons reçu l’ordre de préparer nos positions de défense pour la nuit. Aux alentours de 13h45, nous avions franchi le canal avec plus de difficultés que prévues mais depuis, le temps était passé rapidement. Le Lieutenant HULBERT, en charge du 4e antitank platoon, avait répartie les charges de travail par bataillon et nous avait ordonné de l’accompagner afin de prendre position après la tombée de l’obscurité, avec une équipe bazooka, dans une courbe de la route à environ 1,5 km avant les lignes allemandes. Nous ne devons pas prendre de radio ni d’outils individuels afin qu’aucun bruit ne puisse éveiller les soupçons de l’ennemi sur notre présence. Nous devons vérifier qu’aucun char allemand ne remonte cette route en direction de nos unités et j’accepte de m’avancer plus avant pour m’en assurer avec, au plus profond de moi, l’espoir de ne pas en rencontrer et de pouvoir en revenir. Maintenant la nuit est totalement tombée et nous décidons de changer de position. Nous sommes arrivés sans encombre jusqu’au virage pré-désigné et prenons place dans les fossés du bas-côté de cette route. Le lieutenant HULBERT prend le flanc droit avec le tireur bazooka, un chargeur et un pourvoyeur avec des roquettes supplémentaires. Je prends le côté gauche avec trois hommes. Une heure plus tard, ce que nous redoutions arriva et nous repérons une patrouille allemande formée de sept hommes à pied et se déplaçant vers nous dans la direction du canal. Ils progressent à travers champ sur une trajectoire qui devrait couper la route de la droite vers la gauche de notre position. Juste avant de rejoindre notre emplacement ils bifurquent vers la gauche, plein nord, et rejoignent d’autres fantassins que nous n’avions pas remarqués jusque-là. Ils étaient nettement plus nombreux que nous et n’auraient eu nul mal à nous éliminer rapidement d’autant qu’ils sont désormais rejoints par un groupe d’artillerie qui installe tranquillement son poste de tir. Un autre groupe arrive aussi avec un stock de munitions stockées à même le sol du champ. Ils ont commencé à tirer vers minuit et quand nos artilleurs ont répliqué avec assez de précision, ils se sont empressés de changer de position. Ils étaient maintenant assez près de nous pour que chaque éclair des canons puisse éclairer notre fossé. Nous pouvions les entendre parler et entendre également le bruit métallique lors de la manipulation des obus déplacés dans la zone de stockage et des douilles rejetées au sol. Nous ne bougons pas d’un centimètre lorsqu’à l’aube, l’arrivée d’une estafette qui se glisse dans le fossé nous fait sursauter. Nous n’avons pas repéré son approche. Cela semble difficile à croire mais les Allemands ont aussi déménagé sans que nous nous en soyons aperçus. Nous émergeons de notre fossé engourdis par le froid du matin et encore tout abasourdis par le bruit des fortes détonations. Nous repartons vers nos lignes pour y faire notre rapport de la nuit ».
L’opposition ennemie ralentit sensiblement après que la première ligne de défense est atteinte.
Une partie du régiment contourne le village de Saint-Jean-de-Daye et prend l’ennemi à revers. Le 2nd Lieutenant, Ellsworth E. BOLLES (Mle 0-1306231), originaire du Massachusetts, qui avait déjà eu une conduite exceptionnellement méritoire dans la lutte contre l'ennemi, le 2 juillet 1944, s’aventure, accompagné par les Privates Arbuth O. BUMGARNER (matricule 20454893), Raymond G. DUGGAN (matricule 14156174), Willis M. Jr TRUE (matricule 14163684), du 1re classe Earl E. STALLINGS (matricule 35794911 et d’un « Technical » de classe 4 (non reconnu) (matricule 36019514), de la Cie E, dans les lignes ennemies et réussissent à tuer 7 soldats allemands et à détruire 3 mitrailleuses, ce qui participe grandement à la libération de la ville vers 22h00. Ils reçoivent l’Etoile de Bronze le 24/7/1944 pour ce fait de guerre.
Le 113th Cavalry Group a déjà bifurqué vers l'ouest pour protéger le flanc et s’avance en direction de Graignes. Le 120th, Company K, a donc établi une tête de pont sur une partie de la « haute terre » à l’ouest de St-Jean-de-Daye alors que le 3rd Battalion du 117th marche vers lui au nord-ouest pour fermer le périmètre, le 2nd Battalion du 117th (compagnies E, F & G) prend position au sud-est de ce village, de part et d’autre de la D8, la Cie E au nord de la route, la Cie F au sud et la Cie G qui ayant pris St-Fromond après de durs combats, se porte sur l’aile gauche de la Cie F en soutien tandis que le 1st Battalion du 117th bifurque vers le sud-ouest et le 2th Battalion du 119th vers St-Fromond-église. L'opposition ennemie est devenue de plus en plus forte alors que la matinée avance, en particulier les tirs d'artillerie et de mortiers alors que les Compagnies E & F avancent en direction du lieudit « Le Haut des Landes » après avoir traversé La Vauterie.
Vers 14h30 le bataillon arrive à « L’arbre Sec » à 400 mètres de la traversée de la route principale nord-sud et de celle continuant vers La Herourie vers l'ouest. La Compagnie G est allée trop loin vers la gauche et doit battre en retraite pour retrouver le reste du bataillon car les communications venant de l'arrière sont assez difficiles à capter. Elle se replie d’un kilomètre pour installer son bivouac et passer la nuit sur une position consolidée. Pourtant, le général CORLETT aurait souhaité que les bataillons continuent l’attaque et s’emparent du carrefour mais le général Hobbs voulait assurer son avancée et considérait que la pression de quelques patrouilles nocturnes suffirait à maintenir l’ennemi à distance. Le lendemain matin, décidé à affronter les Allemands, elle reprendra le chemin de la veille mais l’ennemi a, semble-t-il, déserté ses positions pour se regrouper plus en sud et ainsi assurer une défense plus soutenue. A quoi bon défendre un carrefour en pleine campagne ne présentant pas d’enjeu évident et perdre des hommes qui seront bien utiles plus tard sur un front à ne pas céder.
En fait, trois régiments sont déployés face à la 30th : un régiment de la 17ème division SS Panzer Grenadier, trois bataillons de la 25ème Division du Kampfgruppe Heinz, des éléments de la 266ème Infanteriedivision soutenus par des troupes de la 352ème Infanteriedivision du Kampgruppe Kentner. Tous sous les ordres opérationnels des Panzer Grenadiers, eux même sous le contrôle du LXXXIV Corps.
Il a été observé également la présence d’un bataillon de canons d’assaut armé de pièces de 75mm et 105mm en appui de l’infanterie. Ces forces se sont regroupées plus au sud, sur les hauteurs près de Pont-Hébert et possèdent du haut de ces collines de points d’observation confortables sur toute la région.
Durant toute la période de relative inactivité, ils avaient eu le temps de se regrouper, de reprendre des forces et de procéder à leur ravitaillement et approvisionnement en munitions. Cependant, grâce à l’action de la résistance normande et même nationale, ces approvisionnements ne sont pas aussi importants qu’ils auraient pu l’être car les retards, voire les déraillements de trains ont très sérieusement ralentis et même annulés les transports. Les renforts venant du sud subissent les mêmes traitements et ont beaucoup de mal à rejoindre la Normandie.
Malgré cela, les responsables des VII et VIII Corps américains étaient dans la plus totale erreur sur leurs prévisions ; ils avaient surestimé les Allemandes en présence mais sous-estimé la farouche opposition des groupes fondus dans la densité du bocage favorable aux embuscades et facilement adaptable à la défense, des couleurs de camouflage de leurs uniformes adaptés au terrain, à la mobilité des petites unités aguerries à ce genre de combat.
Pourtant, sans cette période de 3 semaines, ils se seraient aussi trouvés confrontés au 15ème régiment de parachutistes se trouvant alors près de Périers et alors disponible pour l’engagement et maintenant pour une partie engagée sur le Mont Castre avec la 2e Panzer Division, alors près de St Lô, et retenue maintenant près de La Haye-du-Puits et de Périers pour tenter d’enrayer la coupure totale du Nord Cotentin.
Le 119th Infantry, le long de la Vire au sud de Airel, et le 2nd Battalion du 120th Infantry en bout de
ligne du front du canal, à l’extrême ouest, doivent rester en place jusqu'à ce que l'ennemi, en face d'eux, ait été repoussé. Le 2nd Bataillon de Réserve du Corps supporte la
traversée du régiment par les tirs de toutes ses armes depuis ses positions sur la rive nord du canal à l’ouest du pont. La route du pont est achevée à 17h58 et la majorité des chars d'appui sont
face au canal à 18h46. L’avance continue avec le 1st Battalion à gauche et le 3rd Battalion à droite. Le 2nd Battalion reste en position dans le Corps de Réserve. Le
119th perd le Pfc Elbert N. BRADLEY (Matricule 35496096).
La lenteur des progrès s’est maintenue jusqu'à environ 18h15, puis l'avance est devenue plus rapide et le 3rd Battalion atteint
son objectif à 22h30. Les opérations de la journée prennent fin et le régiment est désormais prêt à continuer l'attaque vers le sud. Malgré l’étude qui avait été faite à la fin de la période des
combats menés lors de la première semaine par le 120th, qui consistait à localiser la ligne principale de résistance ennemie et de la neutraliser ou de la contourner pour la prendre à
revers, il s’avère que la topographie du terrain et son agencement en d’innombrables lots de prés et de vergers bien séparés par des haies hautes, drues et serrées amène une position d’étouffement et
sape le moral des hommes qui n’en voient pas la fin et le mauvais temps installé depuis le 25 juin n’arrange pas les choses. Les techniques et tactiques préconisées sont difficiles à mettre en
application et la constatation est faite que la réalisation des objectifs n’est pas chose aisée. Tous ont pu réaliser que la localisation des positions ennemies était délicate. Les initiatives
des chefs de groupes sont indispensables afin de ne pas se perdre dans ce dédale et de se retrouver coupés de ses propres lignes tant la communication est très difficile à
maintenir.
Le 823th Tank Destroyer Battalion a été initialement attaché à l'artillerie Division en mission d’appui et a soutenu l'attaque des positions ennemis en tirs indirects dans GOVIN en proximité avec la Compagnie A dans la zone du 120th Infantry. Délestée de son rattachement provisoire à l’artillerie divisionnaire le 07 juillet à 06h30, la compagnie B suit le 117th Infantry à travers la VIRE et la compagnie A prend ses positions pour suivre le 120th Infantry face au canal. La Compagnie C placée en position de tir indirect au début de l’action se retrouve à la fin de la période en position d'attente et se prépare à traverser la VIRE pour être appelée à occuper des postes de tir direct.Le 92nd Chemical Battalion est en partie délivré de son attachement vers 12h00 envers la 30th Infantry Division et reprend la route pour rejoindre la sienne mais il sera réaffecté le 10 juillet pour soutenir la reprise de l’avancée au Sud.
Le 531st Anti Aircraft Battalion AW poursuit la protection de Division d'artillerie en position avancée. Six unités de tir de la batterie D assument la mission de harcèlement des positions ennemies dans les environs tandis que deux autres unités de tir assurent la protection du pont et sont en position, prêtes à tirer, à 17h30. La batterie D assume la protection antiaérienne du site du pont jusqu’au 07 juillet à 17h30.
La 30th Reconnaissance Troop (mécanisée), est relevée de la Réserve divisionnaire et est assignée à des missions de
patrouilles de zone entre les 1st et 3rd Battalions du 119th Infantry.
Le 105th Bataillon du génie de combat, moins la compagnie C, soutient le 117th Infantry dans la traversée de la Vire, dans la détection des mines et leurs
destructions.
La Compagnie C, attachée à la 120th Infantry, aide ce régiment dans la traversée du canal Vire et Taute et dégage, elle
aussi, les champs de mines sur la route vers le Sud.
Les opérations de la journée permettent à la Division de positionner le 120th Infantry au sud-est de St Jean de Daye où il établit une position de défense pour la nuit, le 117th Infantry sur une position élevée à la côte 485-785 (Hill 30), le 3rd Battalion du 119th Infantry en position de traverser la Vire et prêt à continuer l'attaque au Sud, le 2nd Battalion sur l’autre côté du fleuve en position sur le flanc gauche de l'infanterie du 117th et le 1st Battalion à la défense continue de la zone AMY - la Meauffe. La traversée est un succès même si l’objectif prévu n’est pas complètement atteint. L’avance opérée en cette première journée d’attaque est significative et les défenses fixes de l'ennemi sont brisées au moindre coût possible en vies américaines, soit moins de 300 victimes. Au 120th notons toutefois les pertes supplémentaires du 2nd Lieutenant Matthew M. LUTZKIVICH (matricule O-1319847), du Staff Sergeant Theodore J. NIEWIEDOWSKI et des Pfc William MATHEWS et Peter J. HOSPIT de la Cie A, du Corporal Warren C. McINTOSH de la Cie B, des Pfc George E. DUNGER (matricule 17091786) et Edward Arthur STIMPERT (matricule 36433180) à la Cie E, portés disparus, du Private Gordon M. STOEN (matricule 37566412) de la Cie F, du 2nd Lieutenant Philip A. HUFFMAN (matricule O-1324894), des Private Harlan MELVIN (matricule 36639382), Jim K. MILLER et Hollis HINES et du Pfc Henry S. GALUPPO de la Cie K, du Pfc Milton H. GOSHIEN (matricule 38236678) de la Cie L. Tous seront décorés de la Purple Heart. La tête de pont vers St LÔ est ouverte et le prochain objectif est une crête à l’ouest de cette ville. Le général BRADLEY avait suivi le déroulement des opérations du jour et avait décidé d’attaché la 3rd Armored Division au XIX Corps.
Ces positions sont établies le 7 juillet 1944 au soir.
Pour la bravoure et l’abnégation dont il a fait part pour le bon franchissement de la rivière Vire, le 7 juillet 1944, le 105th engineers (Bataillon du Génie), Compagnie B, 3e peloton a reçu le Présidential Unit Citation, plus tard appelé Distinguished Unit Citation.»
Extraits du livre (en cours d’édition) d’Alain OCTAVIE & Yannick DEHAYES : En avant avec la 30th (1ère partie).
Avec cette action majeure de la part des régiments de la 30th Infantry Division épaulée sur sa gauche par la 29th poursuivant son avancée sur Saint-Lô et la 95th sur sa droite, la guerre avait fait un grand pas mais les troupes américaines s’élançaient dans une bataille d’usure qui allait énormément les ralentir : la Bataille des Haies. La 30th s’illustrera encore héroïquement plus tard à Mortain.
Pour nous, dans cet article, Airel/St-Fromond restera sous les feux de la rampe.
Bien sûr, ce secteur est situé un peu loin des célèbres plages normandes du Débarquement mais n’hésitez pas à faire une incursion sur ce terrain de conquête qui ne vous laissera pas indifférent, la nature est belle et les auberges accueillantes, généreuses et très abordables.
Il existe un ouvrage sur ce sujet : Le vie à Airel et Saint-Fromond pendant la Seconde guerre mondiale de Bernard Festoc aux éditions Garlan (1994) – 103 pages.
Autres livres sur le secteur : Saint-Clair-sur-Elle de l’invasion à la libération (18juin 1940 – 17 juin 1944) de Estelle Hervo – Université de Caen. (1996) – 19 pages + annexes. Mémoire module Hi 211.
Saint-Clair-sur-Elle pendant la Seconde guerre mondiale de Marie-Laure Gamas – Université de Caen (1995) – 24 pages – Mémoire module Hi 211.
L’occupation et la libération de Saint-Clair-sur-Elle. 18 juin 1940. 10 janvier 1945.
Témoignages de ses habitants – Saint-Clair-sur-Elle : la ville (1984) – 38 pages.
Source : http://beaucoudray.free.fr/1940.htm (1) concernant les anecdotes sur Paul GUILBERT – Inmemories.com/CWGC – Canada Veterans Affairs – Wikipedia – Ville d’Airel – Université de Caen – SNCF – Isabelle & Yannick DEHAYES – En avant avec la 30th (extraits - 1ere partie) de Alain OCTAVIE (en cours d’édition) - Aérostèles – Francecrashes 39-45 – Journaux « La Manche » - « Le petit manchot » https://www.le-petit-manchot.fr – Airel Saint-Lô agglo - archives-manche – dday-overlord.com -
Texte : Alain OCTAVIE
Photos : Alain OCTAVIE, Yannick & Isabelle DEHAYES
Mise en ligne : Yannick DEHAYES
BARFLEUR 1944
Été 2016, quelques jours de congés en Normandie m’ont amené à effectuer un petit périple dans le Cotentin et découvrir que l’histoire pouvait encore trouver sa place dans le parcours touristique de certaines communes et notamment la période de la Seconde Guerre mondiale qui nous intéresse plus particulièrement.
A l’initiative de l’ancien Maire de Barfleur, Mr Jacques HOUYVET, que nous saluons et félicitons en entête de cet article, j’ai eu le grand plaisir de trouver ce petit «monument» dédié à la Libération de sa commune et à divers témoignages qu’il a pu recueillir auprès de ses anciens administrés et qui revêtent un grand intérêt pour la mémoire du peuple normand et au-delà, du peuple français qui se doit de connaitre le vécu de leur patrie par le récit de ceux qui ont assisté à ces évènements de notre patrimoine.
J’ai donc tenu à faire les photos de ces plaques narratives et de les publier pour que chacun, partout en France, qui n’aura pas la chance comme moi de pouvoir se rendre sur place pour les voir, puisse en lire les textes qui sont reproduits ci-dessous. J’y invite chaque visiteur de notre site à lire la reproduction de ces lignes en écho au superbe travail de cet homme amoureux de son petit bout de Normandie (Le Val de Saire) qui lui tient tant à cœur et dont il peut être fier tellement il est beau et attachant.
Je vous laisse donc déguster …
«BARFLEUR l’histoire d’un port»
LA LIBERATION DE BARFLEUR
Après l’entrée en guerre des Etats-Unis en Décembre 1941, Roosevelt et Churchill se sont rapidement mis d’accord sur le principe d’un débarquement en France qui seul permettrait de finir rapidement la guerre. Staline pour sa part réclamait avec insistance l(ouverture d’un second front qui soulagerait l’immense tribut en hommes dont l’Armée Rouge payait ses victoires.
D’abord prévu le 5 juin, le débarquement fut repoussé de vingt-quatre heures à cause des mauvaises conditions météorologiques. Le 6, celles-ci sont en voie d’amélioration et Einsenhower ordonne le débarquement. Les opérations seront conduites selon les trois phases suivantes que vont vivre les habitants du Val de Saire :
1 – bombardement intensif des batteries côtières par air et par mer
2 – attaque par air des parachutistes
3 – débarquement proprement dit, par mer
Vers 7 heures, le mardi 6 juin 1944, les trois premières vagues d’assaut de la 4ème division du général Barton ont envahi la plage de Varreville, universellement connue aujourd’hui sous le nom d’Utah Beach, sans avoir subi de tirs nourris. Elles commencent à sortir des dunes vers 11 heures. Au milieu de la journée, les éléments avancés entrent en contact avec les parachutistes qui ont atteint le secteur de Ste-Mère-Eglise. Au soir du 6 juin, l’assaut de la 4ème division a permis de débarquer vingt-deux mille hommes et mille huit cents véhicules, les pertes se limitant à cent quatre-vingt dix-sept hommes, dont soixante perdus en mer. La première grande t^te de pont américaine en France est solidement établie. L’objectif, à partir de là, est d’isoler la péninsule du Cotentin et de s’emparer du port de Cherbourg.
Pendant quinze jours les habitants du Val-de-Saire vont vivre au rythme quotidien des bombes et des mitraillages de l’aviation alliée ; en même temps le cuirassé américain Erebus mouillé à environ dix-huit kilomètres du littoral au-delà de la baie de St-Vaast pilonne les batteries côtières de la Pernelle, Gatteville et Néville. Au début de ce pilonnage, le 6 juin, le tir du cuirassé sur Gatteville est trop court : un obus tombe dans le port, et les suivants sur une maison de la rue Paul Placide, puis sur la grève de la Masse, avant que les cibles soient atteintes. Après la prise de Montebourg et Valognes (nuit du 18 au 19 juin 44) les 9ème, 79ème et 4ème divisions américaines montent sur Cherbourg.
La 9ème progresse à l’ouest. La 79ème suit l’axe Valognes-Cherbourg. La 4ème Division est chargée de protéger la 79ème sur sa droite : ce sont des éléments de cette 4ème Division qui vont libérer le Val-de-Saire, depuis Quinéville, les patrouilles légères du 24ème Escadron de reconnaissance de Cavalerie sont chargées de s’assurer qu’il ne reste aucune force allemande dans le Val-de-Saire. Dans la matinée du 21 la troupe A de ce 24ème escadron commandée par le capitaine Brooks Norman, composée de 140 hommes, entre dans Quettehou. Le capitaine envoie alors son 1er escadron commandé par le lieutenant Alsauer libérer St-Vaast, vers 12h30, celui-ci poursuit ensuite jusqu’à Barfleur où les américains arrivent vers 15h, rejoints par une autre colonne venant de Quettehou par Anneville-en-Saire. Ainsi fut libéré Barfleur, quatre ans jour pour jour après avoir été occupé par les troupes Allemandes. Jusqu’au mois de décembre suivant, avec St-Vaast-la-Hougue, il contribuera à la libération de la France de la France en permettant aux Américains de débarquer une partie du matériel nécessaire à la poursuite de leurs opérations militaires.
Texte de Jacques HOUYVET figurant sur une des plaques apposées sur les quais du port de Barfleur près de l’Eglise.
«BARFLEUR, l’histoire d’un port»
J’avais 6 ans le 21 juin 1944 …
Quand les américains sont arrivés, tout le monde était content et il y eu quelques bousculades. Je me souviens qu’après ce jour-là, dans le port il y avait beaucoup de cargos et des soldats, beaucoup de noirs, qui déchargeaient du matériel, mais aussi de la nourriture, des « rations » comme on disait. Il y avait beaucoup de mouvements.
J’habitais dans cette maison au 33 quai Henri Chardon, et je crois me souvenir qu’il y avait sur le toit une mitrailleuse. Cela a failli causer la perte de ma mère, car un jour elle a fait tomber un soldat allemand et elle a été convoquée à la kommandantur. Heureusement pour elle, le soldat avait bien picolé, ce qui a sauvé ma mère. Les américains, eux, supportaient bien l’alcool et le calva !
L’officier allemand qui commandait à Barfleur aimait bien notre village, alors il a dit « comme la guerre se termine, je ne vais pas abîmer Barfleur ». Je crois d’ailleurs qu’il a été invité après la guerre par notre maire pour le remercier.
Un soldat américain qui s’appelait William m’a donné une sorte de petite lunette, on regardait dedans et en tournant la molette, on voyait de petites étoiles. Je l’ai gardée pendant très longtemps …
Témoignage de Pierre BOISARD
«BARFLEUR, l’histoire d’un port»
J’avais 10 ans en juin 1944 …
5 heures du matin, toute la famille est aux fenêtres, et bientôt dans la rue, sur le quai. Nous n’avons pas beaucoup dormi cette nuit. Les bruits des bombardements au loin nous ont réveillés. Tous les voisins sont dehors : «C’est le débarquement !». Il y a plein de bateaux au large de St-Vaast et la Baie des Veys. Une voisine nous fait monter dans son grenier, le plus haut de la rue. Avec des jumelles, on distingue au loin des bateaux comme des Monts Saint-Michel.
Annie et moi, nous sommes très excitées, maman très inquiète. Dans la matinée, les grondements continuent, ce sont surtout des obus de marine qui passent très haut en sifflant, au-dessus de nos têtes, vers les blockhaus de Gatteville.
Vite, nous rentrons chez les grands-parents dans la vieille maison basse.
Tout à coup, on voit passer André et un pêcheur. Un obus est tombé dans le port, sur un petit bateau qui a pris feu. A la petite fenêtre du grenier, on équarquille les yeux sans voir grand-chose. André, avec un maillet et une hache, tente de couler le canot pour éteindre le feu. Puis, on les voit revenir en courant : «ça marche, le bateau est dans l’eau, le feu est éteint».
A peine e sont-ils partis, tout à coup, un gros Boum résonne. Maman nous pousse sous la table. Ma grand-mère et les cousines, Marie et Céline, disent leur chapelet tout haut et invoquent Sainte Marie-Madeleine toutes les 3 minutes. Tout à coup dans le jardin, on voit arriver Auguste (un voisin) en courant, entouré d’un nuage blanc. Il a du sang sur la figure. « Un obus est tombé sur la maison de la tante » dit-il. On le soigne, on le rassure, le calme revient. Auguste et les cousines repartent dans le jardin et nous appellent : «Venez voir le jardin ! On court Annie et moi vers le jardin –paysage de neige – tout blanc – tout beau. Le nuage s’était posé sur les rosiers, les gradillers, les groseilliers, les poiriers. Tout est couvert de plumes blanches, de duvets fins et moelleux. Le vent soulève de petites volutes cendrées qui tombent sur le sol, dans les allées et sur les légumes. «Mon doux Jésus !» s’exclama ma grand-mère : « D’où vient, d’où vient tout çà !?». On ouvre les yeux, on ne comprend pas. Soudain, la tante d’Auguste apparait derrière le petit mur entre nos jardins. «C’est l’obus, c’est l’obus ! Il est tombé dans la chambre et a éclaté dans notre lit de plume ! Où donc allons-nous dormir maintenant ?...»
Et tout l’été, les plumes sont restées dans le jardin, surtout dans les rosiers, ma grand-mère n’ayant pas réussi à s’en débarasser. Annie et moi avons laissé les plumes, cet été là, on en a vu des choses nouvelles. On a été bien occupées …
Ce fut un tournant énorme dans notre vie d’enfants : au départ des allemands et à l’arrivée des américains, tout a changé. Barfleur, notre petit port et village, s’est trouvé transformé car nos rues étaient fermées, bouchées par des murs énormes et des barrières de barbelés qui nous empêchaient de circuler.
Quand les allemands sont partis discrètement le soir du 19 juin à la tombée de la nuit, nous nous sommes retrouvés seuls entre Barfleurais dans les rues, sur le quai, parlant et discutant bruyamment. La première chose dont je me souviens a été l’ouverture des rues, surtout en bas de la grande rue, où des portes en métal et barbelés fermaient l’accès et nous interdisaient le passage.
Des hommes nombreux ont tout fait pour libérer le bas de la rue en enlevant cette grosse barrière. On regardait avec excitation ce travail, et surtout la bouchère de la rue qui fêtait cet évènement en offrant du cidre bouché à ceux qui dégageaient cette rue. Quelle ambiance !
Quelques jours avant le départ des allemands nous, les habitants près de l’Eglise rue Saint-Nicolas, avons été privés d’eau potable pendant quelques jours. Au bas de la grande rue (Rue Saint-Thomas), une vieille pompe marchait encore, et nous sommes allés chercher de l’eau dans des seaux et des bouteilles. Mais l’accès était fermé rue Saint-Nicolas et le quai aussi. Cette barrière se situait devant le presbytère. Heureusement, le presbytère avait deux accès : un avant la barrière, le portail de la cour, et l’autre après : la porte de la maison. Notre curé avait tout ouvert et nous avons pu traverser avec nos récipients sur des brouettes, en entrant par la porte du jardin, puis dans la maison, et ressortir par la porte d’entrée sur le trottoir. Le presbytère fut très encombré et bien mouillé !
Quelques jours après l’arrivée des américains, nous nous sommes trouvées, Maman, ma sœur et moi à l’hôtel du Phare. Monsieur Houyvet, le propriétaire, recevait un groupe d’officiers américains (Général, colonels) et Maman servait d’interprète pour le Maire, entouré de quelques Barfleurais. Monsieur Houyvet accueillait les officiers américains et leur offrait quelques bonnes bouteilles de cidre bouché, en leur disant : «Je suis ancien combattant et heureux de fêter votre arrivée mon Général, en vous offrant quelques bouteilles de ma réserve.»
Récit de Marie Josèphe YVON CHOISY.
«BARFLEUR l’histoire d’un port»
J’avais dix huit ans le 21 juin 44 … ce dont je me souviens
Durant les nuits qui ont précédé ce jour-là, il y avait dans le ciel une activité intense : des lumières, des fusées éclairantes, c’était impressionnant et nous n’avions pas envie de dormir.
Lorsque le jour s’est levé, nous avons ressenti quelque chose de bizarre, comme un grand vide.
A la Kriegsmarine, à deux pas de la maison que j’habitais avec mes parents quai Henri Chardon près de l’église, il n’y avait aucun mouvement, pas le moindre signe d’une présence. Les Allemands étaient-ils partis dans la plus totale discrétion, ou s’étaient-ils cachés ?
En tout cas, moi, je ne les ai jamais revus …
Il semble, sur ce sujet et quant au jour du départ des Allemands, que les témoignages divergent.
Mais nous prîmes vite conscience qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire …
Car vers 9h ou 10h du matin, un obus s’écrasa sur la maison de Madame Buhot, située cache du Nord, et finit sa course dans un matelas, sans exploser. Il n’y eut pas de victimes, mais un nuage de plumes envahit tout le quartier Saint-Nicolas.
Nous les Barfleurais sommes tous sortis dans la rue et je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un Allemand parmi nous.
Nous nous trouvions dans le champ de tir. Les bateaux, une véritable armada, que l’on apercevait par les lucarnes de notre maison située sur le quai, visaient les blockhaus de Gatteville.
Il ne fallait pas rester là !
Nous sommes partis, avec presque tous les gens du quartier Saint-Nicolas, sur la route de Cherbourg et nous nous sommes tapis dans le fossé à l’abri de la haie … Et toujours sans rencontrer le moindre Allemand.
Au bout de quelques heures, nous sommes rentrés chez nous, les bateaux ayant réglé leur tir. Mais, pendant plusieurs nuits, nous avons tous dormi au presbytère, accueillis par l’abbé Gaslonde, curé de Barfleur.
Je n’ai jamais récité autant d’Ave Maria que pendant ces nuits-là.
Une lourde barrière posée par les Allemands bouchait l’accès de la rue Saint-Nicolas vers le quai. Elle coupait, entre deux portes, la façade du presbytère. Nous entrions par la rue Saint-Nicolas et ressortions sur le quai.
Pour moi, et sauf erreur de ma part, ce jour du 6 juin 1944 a marqué, par la fuite des Allemands, la libération de Barfleur.
Le débarquement tant attendu des alliés se réalisait sous nos yeux.
A notre grande stupéfaction, nous étions en train d’assister à la plus gigantesque opération navale de débarquement de tous les temps. C’était inimaginable !
Des milliers d’hommes de toutes les nations, de toutes les races, venaient à notre secours pour sortir la France de son asservissement et pour lui redonner son indépendance, sa LIBERTE …
Hélas au prix de combien de sacrifices ?
Et la guerre n’était pas finie …
Quelques jours plus tard, la Grande Rue et le port furent mitraillés. Le Sainte-Thérèse, le bateau de mon père, faillit couler, victime d’une voie d’eau vite colmatée.
Il fallut attendre peut-être deux semaines pour voir apparaître les premiers soldats alliés. Ils arrivèrent à Barfleur à bord de chars par la Bretonne, la rue de la gare et s’arrêtèrent dans la Grande Rue, avant de prendre vite la direction de Cherbourg. Avertie par le bouche-à-oreille, je pris mes jambes à mon cou pour les voir et les acclamer avec de nombreux Barfleurais.
C’était un souvenir poignant, merveilleux, inoubliables … J’ajouterai un fait peut-être peu connu.
C’était quelques semaines après le 6 juin, les Américains avaient établi leur quartier général dans un immeuble de la Grande Rue, devenu maintenant le Conquérant. Ils cherchaient à faire de Barfleur un port de débarquement de matériel. Mon Père, Louis Renet, avait rapidement fait leur connaissance.
Pendant la guerre, le docteur Bellot lui avait prêté son canot, le Saint-Nicolas, pour qu’il pratique la pêche côtière, le Sainte-Thérèse ayant été volontairement mis en panne en 1940 pour éviter de participer aux exercices de débarquement qui avaient lieu dans la grève de la Masse. Hitler, à cette époque, projetait d’envahir l’Angleterre.
Un soir, il était tard, il faisait nuit, on tambourine à la porte. Mon père ouvre les persiennes. Un Américain qu’il connaissait l’appelle à grands cris.
«Monsieur Renet, viens, viens vite avec ton petit bateau ! Un avion est tombé tout près. C’est l’un des nôtres».
Ils appareillent et trouvent les traces de l’avion qui s’était écrasé sur le rocher de l’Antiquaire. Ils sauvent le pilote. Mais en le débarquant sur la cale du rond-point, ils s’aperçoivent – oh surprise ! – qu’il s’agissait d’un aviateur allemand …
Récit de Claude PINTEAUX RENET.
J’avais aussi vingt et un ans le 21 juin 44 …
… étudiant en médecine, je travaillais alors au déchargement du matériel de guerre dans le Port de Barfleur.
Par Vincent O. CARTER
« J’avais 9 ans le 21 juin 44 … »
Je n’étais pas à Barfleur le 21 juin mais je me souviens très bien de Vincent que j’ai connu dans les circonstances suivantes en août 1944.
Avec mes parents nous sommes venus pour la communion solennelle de Marie-Josèphe Choisy, ma cousine. Maman avant le départ pour Barfleur prend son vélo et fait le tour des fermes par des chemins rocailleux pour apporter quelques produits que les fermiers étaient bien contents de vendre à des français maintenant que les Allemands avaient fuit. Malheureusement une mauvaise chute lui endommage toute la jambe, la plaie était profonde et ne cicatrisait pas. Sitôt arrivés à Barfleur ma tante Denise Choisy, rassure maman et lui dit « je vais tout de suite chercher Vincent » Alors je vois arriver cet homme tout noir qui se penche sur maman pour la soigner. J’étais très impressionnée. Quelques jours plus tard, grâce à des antibiotiques sulfamidés, la plaie était cicatrisée. Un souvenir de gamine profondément ancré dans ma mémoire.
Récit de Marie-Claude HOUYVET FEREY.
«J’avais dix sept ans et demi …»
Quand les américains sont arrivés, ma mère m’a dit : va au devant d’eux. J’ai mis ma robe blanche avec des petites fleurs bleues et rouges … Je suis arrivée au carrefour de Madame Rémy et j’étais sur le trottoir de la boucherie Hubert. Il y avait du vent, alors ma robe s’est prise dans une jeep et s’est complètement déchirée ! Quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à ma mère : « ce qu’ils ont fait pour nous, ça vaut bien une robe déchirée », et ça a atténué la chose …
Je me souviens que les allemands avaient réquisitionné tous les vélos, qu’ils avaient mis à la maison de retraite. J’habitais en face. Et ils sont partis avec …
Les américains avaient mis Madame Choisy, celle qui récoltait des escargots appelait tout le monde « mes petiots », les américains comme les allemands, au camp de Maupertuis. Mais comme elle leur chantait des cantiques toute la journée, ils l’ont ramenée à Barfleur !
Je me souviens que sur le toit de la maison de retraite, il y avait une mitrailleuse, mais quand les avions alliés passaient, pas d’allemands n’ont tiré. D’ailleurs, l’officier allemand qui était à la Bretonne ne voulait pas casser Barfleur.
Pendant la guerre, nos parents avaient fait un vœu : que Marie-Madeleine Postel protège Barfleur et tous les ans le 17 juin est célébrée une messe, fête obligatoire, pour la remercier.
Je crois qu’il en a été bien ainsi, car Barfleur fut épargné.
Léonie BE…. ? (Nom tronqué sur la photo – avec toutes mes excuses !)
«J’avais onze ans le 21 juin 44 …»
Mais ça a commencé avant le 6 juin par des bombardements, surtout sur La Pernelle. La nuit du 6, on y voyait clair. Ils ont commencé à canarder Gatteville : les premiers éclats sont tombés sur le trottoir. Un avion guidait le tir et alors ils ont tiré sur Gatteville. Avec mon père, l’abbé GASLONDE et un tas de bonshommes, on est monté sur le clocher pour regarder le combat naval entre les batteries à terre et les bateaux. Ceux-ci pour se camoufler ont lancé des fumigènes.
Le 21 juin dans l’après-midi, les américains sont arrivés par la route de Réville. Les premiers, c’était une jeep avec une mitrailleuse dessus et puis après des petits chars. Ils se sont garés mais il n’y avait plus d’allemands. Tout le monde était dans la rue.
Sur une maison rue Thomas Becket, il y avait un drapeau bleu blanc rouge et les américains ont cru que c’étaient des allemands ! Je vois encore la tourelle du char qui s’est tournée vers la maison. Heureusement l’abbé GASLONDE est intervenu. Il y en a un qu’est sorti et quelqu’un dans la foule lui a foutu un coup sur la goule !
Les allemands avaient piqué les vélos. Mon paternel avait mis le sien dans la maison, les matelots sur les bateaux.
Le maire avait dit, il y a une chambre chez les Duval, alors on avait un allemand, à la maison, qui était venu. Le soir, il discutait fort avec d’autres. Près de la forge, il y avait des cafards alors ma grand-mère a foutu des cafards dans le plumard de l’allemand …
«Madame, petites bêtes, petites bêtes, il y en a plein partout» Alors il a foutu le camp !
Tout le quai était bouclé par des barbelés mais on passait par en dessous et on allait chercher des rations et des cigarettes pour papa. Il y avait même un hôpital apporté dans des caisses. Un soldat américain a demandé un sac à ma mère et avec une pince, il a coupé les caissons et lui a donné du savon.
Les américains échangeaient pas mal de chose, contre de l’alcool, et notamment de l’essence. Des «jerrycans» trainaient un peu partout et on les a ramassés. Mon copain André Crestey a eu le certificat du mérite.
Après pour nous remercier, les américains ont offert un repas dans la maison Bretelle, la villa Les Pins, à la Bretonne. Il y avait de la viande, du chocolat, des gâteaux, tout était mélangé, mais c’est un bon souvenir.
Récit de Claude DUVAL
Sources :
Textes des Barfleurais dont les noms figurent sous les écrits, avec tous nos remerciements.
Photos des plaques figurant sur la stèle commémorative, quai Chardon, près de l’église, par Alain OCTAVIE. (Sept 2016)
Mise en ligne : Yannick DEHAYES.